Écho de presse

Oustric : de la spéculation à la banqueroute (1/2)

le 28/05/2018 par Marina Bellot
le 27/03/2017 par Marina Bellot - modifié le 28/05/2018
Illustration : L'affaire Oustric aux Assises ; Agence Meurisse - Source : BnF Gallica

En 1930, une affaire de spéculation boursière fait scandale en France. Elle éclabousse le milieu politique et notamment le garde des Sceaux.

Fin 1930. L'affaire Hanau, du nom de la "banquière des années folles", n'est pas encore retombée qu'un nouveau scandale éclate : l'affaire Oustric. 

C'est, là encore, la collusion des milieux politique et financier qui est donnée à voir au grand jour.

Comme Marthe Hanau, Albert Oustric est issu d'une famille de petits commerçants. Il s'installe comme banquier en 1919 et met la main en 1926 sur une mine d'argent en Bolivie, la Huanchaca. En annonçant de fausses découvertes minières et en inondant les journaux de publicité financière mensongère, il parvient à faire multiplier le cours de l'action par dix avant de spéculer à la hausse puis à la baisse. Son enrichissement est spectaculaire.

Pour faciliter son développement, Oustric a tissé dès le début des années 1920 des liens étroits dans le monde de la politique.

C'est ainsi qu'il parvient à faire coter à Paris en 1926 une société de soie artificielle italienne, Viscosa, grâce à l'accord des ministères des Finances et des Affaires étrangères.

Mais en 1929, la crise boursière mondiale fait chuter les cours des prix des matières premières et, en novembre 1929, la banque Oustric & Cie est déclarée en faillite, laquelle s'avère frauduleuse. Des centaines de petits épargnants se retrouvent, de fait, ruinés.

Le Journal des finances du 21 novembre 1930 dénonce :

"Il a séché les comptes courants de la Banque Adam [l'une des nombreuses affaires dont il avait le contrôle]. Des déposants qui ignoraient tout de ses entreprises voient disparaître leur argent."

En toile de fond de cette escroquerie, comme dans l'affaire Hanau, un scandale politique : on découvre que le garde des Sceaux Raoul Péret a été avocat-conseil d'Oustric et que ce sont des interventions politiques qui ont permis la cotation de la Viscosa. Le scandale est énorme.

En pleine tourmente, le gouvernement annonce qu'il va déposer deux projets de loi visant notamment à protéger les épargnants. L'Humanité écrit :

"Car personne, n'est-ce pas, ne sera dupe de la manœuvre démagogique engagée par le gouvernement en faveur de la petite épargne, laquelle de l'affaire Hanau au krach de la Banque Oustric, en a déjà vu de toutes les couleurs. Seulement, il faut bien dissiper quelque peu l'atmosphère de scandale créée à la faveur des dernières histoires boursières autour du gouvernement et de la Chambre."

Léon Blum, alors député, est également mis en cause. Et c’est à une véritable passe d’armes que se livrent le leader socialiste et ses adversaires par journaux interposés, Le Populaire et L’Écho de Paris.

Henri de Kérillis, journaliste et député nationaliste, lance une première charge le 10 décembre 1930, dans une "lettre ouverte à Léon Blum" :

"Monsieur Blum, vous avez un fils qui appartient au personnel de la maison Peugeot, qui était contrôlée par M. Oustric. Nous n'avons aucune raison de soupçonner l'honorabilité ni de discuter les mérites de ce jeune ingénieur, que nous regrettons sincèrement d'avoir à mettre en cause. Mais voilà : nous avons des raisons sérieuses de croire que ce jeune homme était chez Peugeot le protégé de M. Oustric. Nous avons des raisons sérieuses d'écrire qu'il a profité à ce titre d'avantages exceptionnels. Qu'en dites-vous ? Nous estimons que vous avez le devoir d'éclairer complètement cette affaire, si vous voulez poursuivre vos fonctions de procureur général du parti socialiste."

Réponse sommaire de Léon Blum dans Le Populaire du lendemain : il s'agit là d'une "diversion odieuse et dérisoire".

L'affaire n'a pourtant pas fini de faire couler l'encre et de faire chavirer le monde politique.

 

Retrouvez notre second volet consacré à l'affaire Oustric.