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1912, fin de cavale : « Comment Bonnot fut pris et tué »

le par

Le Petit Parisien, 29 avril 1912 - source : RetroNews

Le 28 avril 1912, un véritable siège se met en place autour d'un garage, à Choisy-le-Roi. Retranché dans le bâtiment, le leader de la « bande à Bonnot » résiste cinq heures durant, avant de succomber aux assauts des forces de l'ordre. La Une du Petit Parisien du lendemain marque la fin de ce grand feuilleton judiciaire.

Le 21 décembre 1911, le braquage de la Société Générale marque le début de l’impitoyable et non moins fameuse Bande à Bonnot. Cette affaire offre aux journaux populaires tous les ingrédients d’un drame en plusieurs épisodes, et défraye la chronique. Durant cinq mois, les bandits sont insaisissables et parcourent les anciens départements de la Seine et de la Seine-et-Oise en échappant aux forces de l’ordre. Durant cette période, ils ne cessent de commettre des méfais qui permettent à la presse de documenter le fait-divers sur le temps long, de le dérouler comme un feuilleton à suspens. De plus, l’évolution des techniques de reproduction permet de généraliser l'utilisation de la photographie et de mettre en scène le récit illustré des événements.

Le 24 avril 1912, à l’occasion d’une perquisition à Ivry, le commissaire Jouin et  l’inspecteur Colmar tombent nez-à-nez avec Bonnot, qui ouvre le feu. Le premier est tué, le second, blessé. Quant au bandit, il s’échappe une nouvelle fois.

C’est quatre jour plus tard, le 28 avril, que la traque va finalement prendre fin à Choisy-le-Roi. Un dispositif exceptionnel est mis en place. La Une du Petit Parisien du lendemain en fait le récit.

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C’EST UNE PAGE UNIQUE DES ANNALES DU CRIME - COMMENT BONNOT FUT PRIS ET TUÉ

BONNOT s’était réfugié à Choisy-le-Roi, dans un garage dépendant de la propriété de l’anarchiste millionnaire Fromentin.
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La politique et la troupe durent en faire le siège.
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Pour ne pas exposer inutilement la vie des soldats et des agents on prit la résolution de faire sauter à la dynamite le repaire du bandit.
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Au péril de sa vie, le lieutenant de la garde républicaine Fontan alla placer la bombe.

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DUBOIS un autre membre de la sinistre bande, était avec Bonnot et tous deux faisaient feu sur les assiégeants, qui ripostaient.
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Deux agents, Augène et Arlon, furent blessés. Quand on pénétra dans le garage, Dubois était sans vie.
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Quant à Bonnot, qui faisait le mort, comme à Ivry, M. Guichard le tua à coups de revolver.
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Le bandit expira en arrivant à l’Hôtel-Dieu.

M. Guichard a vengé, hier, le malheureux Jouin et toute la série des victimes de la bande. Carouy et Cie ; Bonnot, le terrible « chauffeur », assiégé dans un garage où l'avait reçu son ami Dubois, locataire du riche anarchiste Fromentin, a payé de sa vie sa résistance acharnée ; Dubois est mort à ses côtés.

Ses complices Garnier et Valet, qui se sont jusqu'ici dérobés aux recherches de la police, savent maintenant que leur décision affichée de vendre chèrement leur liberté ne les sauvera pas.

Avant de commencer le récit de cette journée toute remplie de péripéties dramatiques, il convient d'expliquer par quel concours de circonstances la sûreté parisienne fut amenée à rechercher Bonnot et ses sinistres complices à Choisy-le-Roi.

Divers renseignements de source autorisée avaient appris à M. Guichard que la fille d'un anarchiste notoire, « Fromentin le millionnaire », riche propriétaire, acquis à la doctrine libertaire, se rendait parfois chez Gauzy, en compagnie d'un autre militant, nommé Boutegourd. Le chef de la sûreté avait été amené ainsi à supposer que Bonnot, Garnier ou consorts avaient pu trouver asile à Choisy-le-Roi, dans un garage appartenant à Fromentin.

 

Fromentin et Dubois

Fromentin possède, au carrefour formé par la rue Jules-Vallès, le chemin du Parc et l'avenue de la République, une assez vaste étendue de terrains dont il a opéré ces dernières années le lotissement. Certaines parcelles, en bordure de la grande route, sont déjà vendues et des maisons, des boutiques aussi y ont été édifiées. Il y a là, côte à côte, une épicerie, un salon de coiffure, enfin le garage d'automobiles.

A quelque vingt mètres de l'avenue de la République, à droite en montant vers Ablon, se dresse cette dernière construction. Bizarrement édifiée, à peu près parallèlement à la route, elle était, malgré son apparence de légèreté, solidement bâtie. Une robuste charpente de bois, des carreaux de plâtre, en formaient la muraille extérieure. D'un côté, un appentis en planches masque l'entrée d'un escalier, plutôt d'une échelle de meunier accédant à une soupente qui se trouve à l'intérieur du garage, à hauteur d'un premier étage.

Du côté de Choisy-le-Roi, point de fenêtres. Sur la route, deux ouvertures au premier étage ; au bas, un vitrage donnant le jour à l'atelier. Deux portes assez larges, l'une ouvrant sur l'avenue de la République, l'autre sur un petit sentier donnant sur la campagne.

Ce garage, distant de cent mètres environ d'une magnifique villa, habitée par Fromentin, était loué à un mécanicien nommé Jean Dubois.

On se souvient, peut-être que, dans la cabine de cantonnier où séjournèrent, avant l'attentat de la forêt de Sénart les chauffeurs tragiques, on avait trouvé divers papiers au nom de ce Dubois. On n'y avait pas, alors, attaché grande importance, supposant qu'il s'agissait seulement de cartes de garage ayant pu se trouver en possession du chauffeur Matlhillé ou du jeune Cerisole.

Cependant, depuis lors, M. Guichard, avait appris que Dubois avait été l'associé de Bonnot dans divers méfaits, notamment dans le vol d'automobile commis à Blois l'an dernier. Cette automobile avait été maquillée et réparée chez Dubois.

Le chef du la sûreté apprenait encore qu'à l'époque du crime du Châtelet-en-Brie, Bonnot avait remisé une voiture dans cet atelier perdu.

Fort de toutes ces indications, M. Guichard résolut d'opérer une perquisition chez le mécanicien. Peut-être y trouverait-il Bonnot. Mais afin de ne pas attirer l'attention du bandit, M. Guichard avait décidé qu'aucune surveillance ne serait exercée autour de la maison de Dubois : ses agents connaissaient d'ailleurs parfaitement cette habitation pour y avoir opéré déjà deux perquisitions.

LE PREMIER ÉCHANGE DE BALLE

Hier matin donc, à 7h35 exactement, le chef de la sûreté, accompagné de M. Legrand, chef adjoint, et de seize inspecteurs, parmi lesquels les agents Augène et Arlon, arri...

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