Interview

Du balai au bûcher : les « chasses aux sorcières » des XVIe et XVIIe siècles

« La Sorcière », estampe de Gustave Doré, 1862 - source : Gallica-BnF

Phénomène européen de masse débuté à la fin du Moyen Âge, la répression absurde de l’Église vis-à-vis de celles et ceux ayant « pactisé avec le démon » ne se clôturera qu’au mitan du XVIIe siècle – non sans avoir durablement impacté la conscience collective.

Née dans les Alpes, au cœur de l’Europe, dans le deuxième quart du XVe siècle, la grande chasse aux sorcières gagne, par vagues successives, l’ensemble du continent et jusqu’au Nouveau Monde. Après avoir atteint son paroxysme entre 1580 et 1630, la répression amorce son reflux.

Analyse, avec Ludovic Viallet, des ressorts de cette persécution qui a fait entre 60 000 et 80 000 victimes – voire plus de 100 000 selon certaines estimations.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

RetroNews : L’expression de « grande chasse aux sorcières » résonne dans l’imaginaire de tous, ne serait-ce que par l’image du bûcher. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Ludovic Viallet : Il s’agit d’une vaste répression enclenchée à partir des années 1420-1440 et qui a traversé une bonne partie de l’époque moderne, jusqu’à Anna Göldin, exécutée en Suisse en 1782, qui est considérée comme la dernière sorcière à avoir été condamnée.

Car dans cette première moitié du XVe siècle, la sorcellerie devient un crime. Juges et inquisiteurs poursuivent alors ces sorciers et sorcières dont le portrait est la synthèse de différents éléments préexistants : sortilèges, pacte avec le diable, cérémonie du sabbat où ils-elles se rendent en volant pour se livrer à des actes abominables, parmi lesquels l’inversion rituelle, la profanation d’hosties, le cannibalisme d’enfants – ce que l’on qualifierait aujourd’hui de messes noires –, et également l’accouplement avec le diable.

La répression, appuyée sur les aveux et la dénonciation des complices – qui peut aller parfois jusqu’à plusieurs dizaines, voire centaines de noms –, déclenche, comme on peut l’imaginer, une véritable psychose collective.

Vous évoquez des sorciers et des sorcières. Pourtant l’expression consacrée n’a retenu que les femmes… Quelle a été leur place dans ces persécutions ?

J’ai gardé l’expression de « chasse aux sorcières » parce qu’elle est commode, et qu’elle parle à tous, mais elle tend à nous faire croire qu’elle n’a touché que des femmes. Elles sont en effet très majoritaires sur l’ensemble de la période, mais ce n’est pas le cas au début de la répression, où elles ne sont pas plus visées que les hommes – on trouve même des vagues de persécutions qui n’ont été que masculines. C’est autour de 1500 qu’un basculem...

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