Interview

Le crime, une « fenêtre sur la société, ses peurs et ses déviances »

"Douze sujets relatifs à un assassin depuis le moment où il commet le crime jusqu'à son exécution", estampe, circa XVIIe siècle - source : Gallica-BnF

Voyage historique dans le monde du crime, l'ouvrage Une histoire du crime en France interroge les peurs, les obsessions et les réponses politiques de la société aux déviances, du Moyen Âge jusqu’à nos jours. 

RetroNews : Vous évoquez dès l'introduction de l'ouvrage le père de la sociologie moderne Émile Durkheim et sa vision du crime comme fait social. Est-ce ainsi que vous avez abordé ce voyage historique au pays du crime ? 

Anne-Claude Ambroise-Rendu : L’un des horizons était en effet de rappeler que, malgré la focalisation constante des opinions sur tout ce qui menace l’intégrité des individus et leurs biens, la violence est un phénomène normal, récurrent et, semble-t-il, anthropologique. En dépit du renforcement de l’idéal sécuritaire au fil du temps, il n’est pas raisonnable de penser pouvoir l’éradiquer pour une raison simple : la société fonctionne avec un cadre normatif, qui suscite nécessairement transgressions et déviances. 

À ceci s’ajoute l’idée que la définition du crime est fluctuante dans le temps et l’espace et que ce qui est crime ou délit aujourd’hui ne le sera pas nécessairement demain. Depuis 1810, le code pénal français fonctionne par ajouts et retraits successifs « créant » des crimes et des délits nouveaux en prenant en compte des pratiques jusque-là plus ou moins tolérées, en éliminant d’autres entrées dans les mœurs. L’adultère a disparu du Code, le crime de « pédophilie » y est entré en 1832, et le Code pénal de 1994 a créé une nouvelle infraction de « mise en danger de la personne » et intégré la notion de crime contre l’hu...

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