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Peines et châtiments sous l'Ancien Régime

le par - modifié le 21/02/2021
le par - modifié le 21/02/2021

Pilori, écartèlement, galères... Sous l'Ancien Régime, les châtiments cruels ne manquent pas pour punir délinquants et criminels et dissuader la population. Tour d'horizon des plus emblématiques d'entre eux. 

« Nullum crimen, nulla poena sine lege » – il n'y a aucun crime ni peine sans loi. Ce principe de légalité hérité des Lumières est à la base du droit criminel français depuis la Révolution de 1789.

De fait, la situation était bien différente sous l’Ancien Régime. La loi n’est alors pas la seule source des incriminations et des peines, loin s'en faut : s'y ajoutent la doctrine pénale élaborée par des juristes à partir du droit romain et du droit canon, mais aussi la jurisprudence construite à partir des décisions judiciaires rendues par les parlements – les cours d'appel de la monarchie – qui ont tout pouvoir dans leur ressort judiciaire respectif.

Rien d'étonnant, donc, à ce que les châtiments pratiqués en France jusqu'à la fin du XVIIIe siècle aient été aussi variés – et souvent arbitraires et cruels. En 1866, Le Petit Journal dresse ainsi la liste glaçante des peines en vigueur à partir du XVIe siècle, selon le type d'acte commis : 

 « Pronostication et divination. Bannissement.

Lèse-majesté. Écartelé.

Rebellion à justice. Peine de mort.

Rognure et altération de monnaies. Peine de mort.

Voleurs et guetteurs de grands chemins. Rompus vifs sur la roue. 

Bohémiens et Égyptiens. Bannissement, peine de galères et corporelle.

Adultère. Les femmes coupables sont condamnées à être rasées et enfermées au couvent. 

Mendicité et vagabondage étant valide. Hôpital, fouet, carcan, galères.

Soldats qui se travestissent. Les galères. »

Peines infamantes, torture, exécutions... Tour d'horizon de cinq des châtiments les plus emblématiques de l'Ancien Régime. 

Le pilori

Peine dite « infamante » car elle « porte atteinte à l’honneur » du condamné, le pilori est l'un des châtiments les plus banals sous l'Ancien Régime. Concrètement, le pilori est un poteau ou un dispositif auquel un condamné est attaché en place publique, livré à la vindicte populaire, pour une durée variant de quelques heures à plusieurs jours. L'objectif est bien sûr de dissuader la foule de se retrouver un jour en pareille situation... Le pilori ne fut aboli en France qu'en 1832.

En 1858, La Presse se souvient du célèbre et sinistre pilori des Halles de Paris : 

 « C'était en face du marché au poisson qu'était le Pilori des Halles, de sanglante mémoire. C'était une tour en pierre, octogone, dont l'étage supérieur était, sur toutes ses faces, percé de grandes fenêtres.

Au milieu de cette tour se voyait une machine en bois, tournante et percée de trous par lesquels on faisait passer la tête et les bras des criminels exposés.

Près du Pilori était une haute croix de pierre. C'était là que les banqueroutiers venaient déclarer qu'ils faisaient la cession de leurs biens, et qu'ils recevaient le bonnet vert de la main du bourreau. »​

Le pilori des Halles, dessin de Claude-Louis Desrais, XVIIIe siècle - source : Gallica-BnF

La flétrissure

Douleur immédiate et infamie à vie : tel était le lourd châtiment des criminels condamnés à la flétrissure.

Comme le pilori, cette peine est très pratiquée sous l’Ancien Régime. Elle consiste à marquer au fer rouge l’épaule du condamné – marque indélébile qui le désigne à vie comme un criminel et potentiel récidiviste... 

Abolie sous la Révolution, elle sera rétablie par Napoléon, avant de disparaître définitivement [lire notre article complet sur la flétrissure]. 

Estampe de Decamps montrant une femme condamnée à la flétrissure pour crime de révolte en 1830 - source : Gallica-BnF

Les galères

Très usitée en France sous l'Ancien Régime, la peine des galères consistait à envoyer un grand nombre de condamnés comme rameurs sur les galères, navires à rames et à voiles. Elle fut remplacée par les travaux forcés en 1791.

Cette terrible condamnation est ainsi dépeinte par Le Petit Journal : 

 « La peine des galères était, dans les anciens codes français, après le supplice d'une mort ignominieuse, la condamnation la plus grave. [...]

Contrebandiers, faux-sauniers, assassins, adroits faussaires, séducteurs infâmes, écrivains contre l'autorité, bohémiens, hérétiques même, hommes de crimes ou d'erreurs, étaient les mêmes à ses yeux.

Elle les assimilait à des brutes, leur imprimait une ineffaçable flétrissure, les marquait d'un fer brûlant pour qu'on les retrouvât partout, et les enchaînait à la rame sur le même banc que les esclaves. 

Les ordonnances de Charles IX ne firent que rendre cette peine applicable par tous les tribunaux séculiers du royaume. »

Portrait de l'abé de la Coste, dessiné à Toulon le 20 septembre 1760 en habit de galérien, avec la légende "Voilà où conduisent les coquineries" - source : Gallica-BnF

La question

Empruntée à la législation romaine, la question, destinée à extorquer des aveux au condamné, connût plusieurs formes sous l'Ancien Régime français. 

« On remplissait l'estomac du malheureux prévenu avec de l'eau, on lui serrait les pieds avec les brodequins, on allumait entre ses doigts des mèches souffrées, on pressait les pouces des mains et des pieds dans des grésillons de fer. 

À Avignon, la ville des papes, on obligeait le patient de s'asseoir, durant six heures, sur le tranchant d'un bois taillé.

À Dieppe on brisait les os, à Nîmes on brisait les muscles.

C'était, en matière de tortures, de la véritable décentralisation. »

Antoine François Derues est appliqué à la question extraordinaire avant l'exécution et a ete rompu vif et jeté au feu le 6 mai 1777, estampe - source : Gallica-BnF

L’écartèlement

La cruauté de ce supplice le réservait à des crimes exceptionnellement graves, tel le régicide sous l'Ancien Régime. Le condamné était d'abord dénudé ; on liait ses membres à quatre chevaux de trait, tandis que le tronc était attaché à un support. L'écartèlement fut aboli par le Code pénal du 25 septembre 1791.

Le plus célèbre de l’histoire française est sans doute celui de Ravaillac, assassin du roi Henri IV. Il fut raconté avec moult détails par l’historien Jules Michelet, ici retranscrit dans Les Annales politiques et littéraires

 « Ce fut une scène horrible, plus cuisante pour Ravaillac que le fer et le feu. [...]

À l'un des entr'actes, ce front effroyable, qui n'était plus qu'une plaie, mais gardait une âme, déclara qu'il parlerait. Le greffier, qui était là, fut bien obligé d'écrire.

Quand on se remit de nouveau à écarteler Ravaillac, la chose allant lentement, un gentilhomme, envoyé sans doute pour abréger, offrit un cheval vigoureux qui, d'un élan, emporta une cuisse. Dès lors, le tronc, tiraillé, promené de tous côtés, allait battant contre les pieux.

Cependant, il vivait encore. Le bourreau voulait l'achever, mais il n'y eut pas moyen : les laquais sautèrent la barrière, et, comme ils portaient l'épée, ils plongèrent cent fois ces nobles épées dans ce tronc défiguré. La canaille prit les lambeaux ; le bourreau resta, n'ayant plus en main que la chemise. On brûla la viande à tous les carrefours. La reine put voir du Louvre les Suisses qui, sous son balcon, en rôtissaient une pièce. »

L'exécution de Ravaillac en 1610, estampe - source : Gallica-BnF

Le fouet, la roue, les mutilations (langue ou poing coupé) furent d'autres châtiments couramment pratiqués sous l'Ancien Régime. 

Mais, outre pour ses châtiments cruels, c'est aussi pour l'inorganisation de la procédure criminelle et l'iniquité du système judiciaire que la justice de l'Ancien Régime fit l'objet de vives critiques, notamment de la part des philosophes des Lumières – Voltaire en tête.

Les bases de l'institution judiciaire moderne seront posées par la Révolution de 1789, selon un idéal ainsi résumé par l'historien Jules Michelet :

« Une justice digne de ce nom, non payée, non achetée [...] sortie du peuple et pour le peuple. »