Écho de presse

En 1934, la montée du « front hitlérien » en France

le 25/04/2021 par Marina Bellot
le 19/09/2018 par Marina Bellot - modifié le 25/04/2021
Photomontage en couverture du numéro de Regards consacré aux ligues fascistes en France, 9 mars 1934 - source : RetroNews-BnF
Photomontage en couverture du numéro de Regards consacré aux ligues fascistes en France, 9 mars 1934 - source : RetroNews-BnF

Dans l'entre-deux-guerres, en pleine crise politique, économique et financière, les ligues d'extrême droite se développent dans l'Hexagone. En 1934, le magazine Regards met en garde contre un « front hitlérien » français.

Dans les années 1930, la crise économique, sociale et politique secoue l’Europe, et s’accompagne d’une montée des groupes fascistes. D’abord moins touchée que les autres pays industrialisés, la France subit à son tour en 1932 les effets du krach d’octobre 1929. Les gouvernements se succèdent sans parvenir pas à relancer l’économie. Les institutions de la IIIe Republique sont décriées, le régime parlementaire est mis en cause.

Des scandales financiers éclatent, révélant la collusion des mileux politiques et financiers, de l'affaire Oustric à l'affaire Stavisky.

À ces graves difficultés intérieures s’ajoute la puissance grandissante des extrêmes droites en Europe, avec notamment l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne et la radicalisation du fascisme italien.

C’est dans ce contexte que la France voit ligues et petits partis de tendance antisémite ou fasciste se multiplier, des Jeunesses Patriotes aux Croix de Feu, en passant par la toujours très influente Action Française, ou encore les Francistes.
 
Le 6 février 1934, les ligues nationalistes appellent à manifester dans toute la France. Les manifestations dégénèrent en émeutes aux abords de l'Assemblée nationale. Le bilan est lourd : quinze morts et plus de 1 400 blessés [lire notre long-format].

Fortement engagé dans la lutte contre les ligues, l’hebdomadaire Regards publie dans un premier temps de saisissantes photos montrant la violence de ces manifestations.

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Face à la menace évidente que représentent ces factions nationalistes, radicaux, socialistes et communistes se rassemblent pour réclamer leur dissolution. Le 12 février, une grève générale contre le fascisme rassemble des millions de personnes aux quatre coins de la France.

« C'est une journé absolument unique dans l'histoire du mouvement ouvrier en France », se réjouit Regards, qui appelle à poursuivre la lutte : 

« La journée du 12 février 1934 n'est pas une fin. Elle doit être au contraire un point de départ. L'action contre le fascisme en France ne fait que commencer. »

En mars, l’hebdomadaire jette un pavé dans la mare en consacrant sa Une à ce qu'il nomme le « front hitlérien en France », photomontage choc à l’appui.

Pour Regards, capitalistes et fascistes sont des alliés objectifs, les premiers menacés par la crise persistante, les seconds tirant profit des peurs et du repli nationaliste qu’elle engendre.

« Nous savons de bonne source que les industriels, effrayés par ce qu'ils appellent la “menace rouge”, mettent argent et camions à la disposition des groupements fascistes. [...]

Le fascisme est à l'ordre du jour. Les fascistes s'organisent. »

Et le journaliste de décrire le fonctionnement et l’organisation d'inspiration militaire de certaines ligues, dont les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger :

« Groupements organisés militairement, armés et qui s'arment, à l'heure actuelle, encore davantage, qui comptent dans leurs rangs beaucoup d'anciens militaires sachant manier la mitrailleuse et conduire le char d'assaut. Certains de ces groupements sont antisémitiques [sic], d'autres se défendent de l'être ; tous sont anticommunistes et anti-ouvriers.

Pour être éclairé sur ce point, il suffit de lire le Règlement intérieur des Jeunesses Patriotes, et surtout le chapitre IV intitulé “Du combat de localité ou de la coopération avec les troupes régulières pour le rétablissement de l'ordre en cas d'insurrection révolutionnaire”. Il y est prévu le déplacement des groupes des J.P. en “camions, autocars et voitures particulières”.

“Un chef d'équipe sera placé à côté du conducteur, il sera armé”. 

Le même règlement recommande l'organisation d'un service d'ordre à toutes les manifestations des J. P., car il est insuffisant “de s'en remettre totalement à la vigilante énergie des forces de police” : collusion avouée avec les flics.

Liaison également avec les autres groupements fascistes : “Pour toute réunion organisée par la ligue ou une organisation amie à qui la Ligue prête son concours, un service d'ordre doit être prévu”.

Les J. P. sont répartis en groupes mobiles, composés de trois sections dont chacune se divise en trois équipes de 5 hommes, soit, au total 50 équipiers et gradés. Les groupes mobiles sont “des unités instruites et disciplinées”, et l'on comprend bien qu'il s'agit là d'instruction et de discipline militaires. »

Plusieurs incidents violents auront en effet lieu dans les semaines suivantes. Le 16 novembre 1935 à Limoges, notamment, un militant de gauche trouvera la mort après un affrontement avec plusieurs membres des Croix-de-Feu.

Il faudra attendre 1936 pour que les ligues d'extrême droite soient dissoutes par le Front Populaire lors de son arrivée au pouvoir. Avant de revenir, pour certaines, sur le devant de la scène pendant les quatre années d'occupation de l'Allemagne nazie.

Pour en savoir plus : 
https://www.histoire-image.org/fr/etudes/ligues-annees-trente