Écho de presse

L’assassinat de Trotski à Mexico

le 23/08/2020 par Mathilde Helleu
le 08/01/2018 par Mathilde Helleu - modifié le 23/08/2020
Discours de Léon Trotski lors de l'anniversaire de la Révolution bolchévique à Moscou, 1923, Agence Meurisse - source : Gallica-BnF

Le 21 août 1940, Léon Trotski est victime d’un attentat à Mexico. Attaqué à coups de piolet, il meurt peu de temps après à l’hôpital.

Été 1940, Léon Trotski, chef de file de la Révolution bolchévique russe de 1917 avec Lénine, est retrouvé assassiné.

Pour les journaux français, notamment Le Petit Journal, c’est l’occasion de revenir sur le parcours du révolutionnaire communiste et homme d’État soviétique.

« Leiba Bronstein, dit Léon Davidovitch Trotski, naquit en 1877 dans le gouvernement de Kherson, en Ukraine. De bonne heure, il adhéra au parti socialiste russe, et c’est à ce titre qu’il prit part à la révolution de 1905. Condamné à la déportation en Sibérie, il fut relégué dans la ville de Troïtzk, d’où son surnom de Trotski. [...]

Après la révolution de 1917, il oublia ses divergences avec Lénine pour devenir l’un de ses collaborateurs les plus proches. [...]

De 1918 à 1925, il dirigea en personne les opérations de l’Armée rouge, dont il fut le créateur, contre les diverses armées antisoviétiques. La mort de Lénine, qui devait amener au pouvoir le triumvirat Staline-Zinoviev-Kamenev, eut une influence néfaste sur la carrière politique de Trotski. »

Rejeté dans l’opposition, exclu du Parti puis expulsé d’URSS par Staline, l’ancien homme fort du régime soviétique vit en exil depuis 1929, réfugié successivement « en Turquie, puis en Norvège, en Espagne et même en France », comme le rappelle Le Journal.

En 1937, condamné à mort par contumace, Trotski trouve refuge au Mexique, d’où il apprend successivement la mort, dans des circonstances suspectes, de son fils Lev Sedov et l’assassinat de son ancien secrétaire Rudolf Klement.

Il réchappe lui-même à de nombreuses tentatives de meurtre, la plus rocambolesque s’étant produite à peine quelques mois auparavant, quand « une vingtaine d’individus ont tiré avec des mitrailleuses sur sa chambre à coucher pendant un quart d’heure », ainsi que nous l’apprend Le Petit Parisien.

« Depuis son départ forcé de l’URSS, il était toujours sur le qui-vive, et son entourage était forcé de prendre des précautions extraordinaires pour le prémunir contre les attentats. »

Dans Le Petit Marseillais du 23 août, le journaliste Émile Thomas dresse le portrait à charge d’un « terroriste terrorisé », ayant l’aspect, « avec sa barbiche et son lorgnon, d’un inoffensif retraité provincial ». Il décrit un « homme traqué par des ennemis implacables [qui] voyait, non sans motif, des assassins partout ».

Sur les circonstances de l’attentat, un certain flou plane au départ. Les journaux s’accordent pour dire que le fondateur de la Quatrième internationale a été attaqué chez lui, lors d’un dîner, par l’un de ses invités. L’homme, qui se faisait passer pour un journaliste, avait gagné sa confiance au fil de multiples entrevues.

L’identité de l’assassin diffère cependant d’un journal à l’autre, au rythme des identités qu’il donne à la police : Krank Johnson, Jacques Mornard, Morton Vanderbrecht, Frank Yacques, Jacques Nounard... Sur l’arme du crime, la même imprécision domine, Trotski ayant, selon les publications, été attaqué à coups de « barre de fer », de « marteau », de « pic », de « matraque » et autres objets contondants.

Dans Le Petit Journal, qui est sur ce point au diapason des autres quotidiens, on rapporte les faits suivants :

« Le blessé porte une plaie à la tête qui a mis la cervelle à nu, et une fracture à la base du crâne. L’opération du trépan a dû être effectuée. Les docteurs redoutent une issue fatale. Aux dernières nouvelles, le blessé serait mourant. [...]

Il porte, à l’épaule droite et au genou, des blessures qui semblent indiquer que l’agresseur, après l’avoir assommé, continua à le frapper alors qu’il tombait en avant. »

Le lendemain, on annonce officiellement la mort de Léon Trotski. Son assassin est lui-même en piètre état, comme l’affirme Le Temps : « Au moment de son arrestation, il a opposé une vive résistance aux policiers et a reçu de graves blessures. » Pour expliquer son geste, l’homme déclare que « les raisonnements que lui tint Trotski au cours de leurs divers entretiens l’exaspérèrent à tel point qu’il décida de le tuer ».

La police mettra dix ans à découvrir la véritable identité de celui qui s’appelle en réalité Ramón Mercader. Après avoir purgé sa peine de vingt ans de prison, le communiste espagnol se rendra en URSS où il sera discrètement décoré de l’ordre de Lénine pour avoir éliminé « de sa propre initiative » un ennemi du socialisme. Les cendres de « Ramon Ivanovitch Lopez » se trouvent aujourd’hui au cimetière de Kountsevo à Moscou.

Trois cent mille personnes assisteront à l’enterrement de Trotski à Mexico. S’il n’a jamais été réhabilité par l’URSS, de nombreux mouvements continuent aujourd’hui encore de se réclamer de sa pensée.