Chronique

Une critique anarchiste du colonialisme, par Élisée Reclus

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Portrait d'Elisée Reclus par Nadar, 1903 - source : Gallica-BnF

Militant anarchiste et géographe de génie, Élisée Reclus s’est plusieurs fois prononcé sur les impérialismes occidentaux dans le monde, à un moment où la France était en pleine effervescence colonialiste.

Elisée Reclus (1830-1905) est un géographe et libertaire français. En 1871, il prend une part active à la Commune de Paris. Arrêté les armes à la main, il est condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Sa peine sera commuée à dix ans de bannissement.

Il rejoint alors son frère Élie en Suisse, et participe activement à la Fédération Jurassienne, avec Bakounine et James Guillaume, puis Pierre Kropotkine. Après la Suisse, c'est en Belgique qu'Élisée Reclus s'installe. Très actif, c'est sous son impulsion qu'une Université Nouvelle est créé, ainsi qu'un Institut des Hautes-Études dans lequel il enseignera.

Auteur prolifique, Élisée Reclus a participé à de nombreuses revues, brochures et journaux. Mais il est surtout l'auteur de l'extraordinaire Géographie universelle (19 volumes), et de L'Homme et la Terre (6 volumes). À la fois anarchiste et géographe, donc, la question coloniale se prête particulièrement aux analyses d’Elisée Reclus.

Beaucoup d’anarchistes font la différence entre les colonies de peuplement et les colonies d’exploitation. Les colonies de peuplement désignent l’émigration de colons vers des terres faiblement peuplées. Ces colons sont idéalement assimilés à des classes populaires qui, souvent dans la perspective de fuir la misère de leur pays, vont aller travailler, exploiter une nature encore en friche pour contribuer au progrès matériel de l’homme. Il s’agit alors pour les anarchistes d’associer les colons et les indigènes au sein de sociétés débarrassées de la domination et de l’exploitation dans l’optique d’un concours commun d’un monde nouveau associé à l’émancipation collective. 

Au contraire, les colonies dites « d’exploitation », où les colons vont venir explicitement s’accaparer les ressources des indigènes au profit d’une minorité impérialiste sont souvent clairement condamnées. La frontière n’est cependant pas si claire entre les deux, ce qui donnera lieu parfois à certaines ambiguïtés.

C’est ainsi que Reclus observait une lutte interne en Algérie entre la conquête coloniale armée et la colonisation civile :

« La conquête de l’Algérie n’aurait eu que des conséquences déplorables si cette contrée avait dû rester simple école de guerre, mais elle devint aussi, malgré les chefs de l’armée, un terrain de colonisation. 

La lutte entre les deux éléments de l’occupation militaire et de la culture civile eut dans les commencements un caractère tragique. Ce fut une guerre à mort, ...

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