Le passage de 48 à 40 heures de travail hebdomadaire est l'une des lois que le Front populaire a fait voter en juin 1936, à la suite des accords de Matignon. Parmi les autres mesures mises en place : l'établissement des conventions collectives, les congés payés et une hausse des salaires de 7 à 15% selon les branches professionnelles.
Le gouvernement, dirigé par Léon Blum et réunissant des membres de la SFIO, du Parti radical-socialiste et du Parti communiste, défend la semaine de 40 heures en arguant qu'elle permettra de lutter contre le chômage. L'Humanité du 13 juin voit dans cette loi « le geste de justice sociale que la peuple, avec confiance, attend », tandis que Le Petit Journal du même jour estime qu'elle « prépare une étape nouvelle dans la limitation progressive de l'effort humain ».
Mais à droite, de nombreuses critiques, dont la presse conservatrice se fait le relais, se font entendre. On craint que la réduction du temps de travail, sans réduction des salaires, n'entraîne pour les entreprises une hausse des charges insurmontable, fragilisant l'économie française dans la concurrence avec les autres pays. C'est la teneur de l'édito du Figaro du 14 juin, qui déclare sous la plume d'Henri Vonoven : « Nous sommes sur la route en pente de l'« Expérience » socialiste. Nous glissons. » Du côté de l'extrême-droite, L'Action française, horrifiée par la mesure, se livre le 13 juin, sous la plume entre autres de Charles Maurras, à une surenchère antisémite visant surtout Léon Blum.
Dès 1938, Paul Reynaud, qui succède à Blum à la présidence du Conseil, reviendra sur la semaine des 40 heures. Il faudra attendre 1946 pour la voir rétablie.
Ecrit par
Pierre Ancery est journaliste. Il a signé des articles dans GQ, Slate, Neon, et écrit aujourd'hui pour Télérama et Je Bouquine.