9 juin 1937. Deux frères italiens, Carlo et Nello Rosselli, sont retrouvés morts en Normandie, où ils venaient de passer quelques jours en cure thermale. Tous deux sont d'importantes personnalités de la lutte anti-fasciste, actifs en Italie, en Espagne et en France.
"Les corps de deux Italiens assassinés à coups de revolver sont trouvés dans un bois près de Bagnoles-de-l'Orne", titre Paris-Soir, tandis que Ce Soir parle de "tragique assassinat". Dans une France marquée par une série d'actions violentes entre ressortissants italiens fascistes et anti-fascistes, l'affaire fait grand bruit. Les corps des victimes s'étalent dans la presse, des envoyés spéciaux sont dépêchés sur place, les journaux mènent leur enquête.
Très vite, la presse parle d'"assassinat politique", comme le quotidien socialiste Le Populaire dès le 12 juin.
Le Petit Journal détaille :
"Les assassins des frères Rosselli leur ont dérobé des documents. Le leader anti-fasciste [Carlo, journaliste] avait publié dans son journal "Justice et Liberté " des indiscrétions politiques sensationnelles. Il est probable que son frère, Nello, venu de Florence, était soupçonné d'avoir informé Carlo. Il s'agit donc d'un crime politique, d'une exécution."
Une chasse aux terroristes commence. L'envoyé spécial du Petit Journal rapporte :
"Au moment où j'écris ces lignes, il y a déjà vingt-quatre heures que la sensationnelle découverte, sur le territoire de Couterne, fait les frais de toutes les conversations, que tous les postes frontières sont alertés, que sûreté nationale, police mobile et gendarmerie recherchent les assassins des deux frères Rossellin bien connus en France pour leur activité anti-fasciste."
L'affaire émeut considérablement l'opinion. "Ce Soir offre 10.000 francs à toute personne qui fournira des indications permettant l’arrestation des assassins", annonce le quotidien du soir le 14 juin.
Les obsèques des deux frères ont lieu le 19 juin 1937. "Une foule nombreuse a accompagné au Père-Lachaise les corps des frères Rosselli", rapporte Le Petit Journal.
En novembre 1937, la presse révèle l'arrestation de plusieurs membres du Comité Secret d'Action Révolutionnaire, dont son chef, Eugène Deloncle. Ce groupuscule d’extrême-droite, plus connu sous le nom de la Cagoule, est à l'origine de nombreuses actions terroristes menées en France dans les années 30.
On apprendra plus tard que les Cagoulards ont agi sur ordre du gouvernement fasciste en échange de la fourniture d'armes de guerre et d'un soutien financier.
Ecrit par
Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.