Écho de presse

Combat, 1946 : quand Camus rêvait d'une « civilisation du dialogue »

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Albert Camus et son ami le philosophe Jean Grenier, photo coll. Viollet, circa 1950 - source : Gallica-BnF

Un an après la fin de la guerre, Albert Camus publie dans Combat « Ni victimes ni bourreaux », une série de huit articles sur la question de la violence politique. L'écrivain, exprimant sa défiance des idéologies, y dessine les contours de ce que pourrait être « un monde pacifié ».

Novembre 1946. Un an après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde se reconstruit. Deux superpuissances, les États-Unis et l'URSS, dominent la politique internationale, dans un début d'affrontement stratégique et idéologique que l'on appellera bientôt la Guerre Froide. Dans les années à venir, l'opposition entre les deux « blocs » s'accompagnera de la menace croissante d'un affrontement nucléaire.

C'est dans ce contexte qu'Albert Camus, rédacteur en chef du journal issu de la Résistance Combat, va se pencher sur la question de la violence politique et de sa légitimation, dans une série de huit articles publiés du 19 au 30 novembre sous le titre de « Ni victimes ni bourreaux ».

Comment, s'interroge Camus, après Hiroshima (un événement qu'il fut le premier intellectuel occidental à dénoncer), construire les bases d'un « monde pacifié », où primeraient le dialogue et la démocratie, et où le meurtre ne serait plus « légitimé » par les « idéologies », qu'elles fussent de gauche ou de droite ?

« Notre XXe siècle est le siècle de la peur », écrit-il en préambule dans le premier article, prenant acte du gouffre dans lequel la guerre a plongé la civilisation toute entière :

« Le long dialogue des hommes vient de s’arrêter. Et, bien entendu, un homme qu’on ne peut pas persuader est un homme qui fait peur […].

Entre la peur très générale d’une guerre que tout le monde prépare et la peur toute particulière des idéologies meurtrières, il est donc bien vrai que nous vivons dans la terreur. Nous vivons dans la terreur parce que la persuasion n’est plus possible, [...] parce que nous vivons dans le monde de l’abstraction, celui des bureaux et des machines, des idées absolues et du messianisme sans nuances.

Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et dans l’amitié des hommes, ce silence est la fin du monde. »

L'auteur de L’Étranger affirme refuser « un monde où le meurtre est légitimé et où la vie humaine e...

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