Écho de presse

Ambroize Croizat, père des retraites et de la Sécurité sociale

le 18/01/2023 par Arnaud Pagès
le 11/04/2021 par Arnaud Pagès - modifié le 18/01/2023

Homme politique membre du Parti Communiste, surnommé le « ministre des Travailleurs », Ambroise Croizat est l’homme à l’origine de la retraite et de la Sécurité sociale.

Né à Briançon en 1901 dans une famille de « métallos », Ambroise Croizat s'engage dans l'action syndicale dès 1914, avant de rejoindre le Parti communiste à l'âge de dix-neuf ans pour en devenir le secrétaire général quelques années plus tard.

Élu député de Paris à l'heure ou Léon Blum devient président du Conseil des ministres, il participe activement à élaborer et faire voter les grands acquis sociaux de la fin des années 1930 : congés payés, semaine de 40 heures, conventions collectives, etc.

Après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle il sera emprisonné à de multiples reprises en raison de son appartenance au Parti communiste, il devient ministre du Travail et de la Sécurité sociale des gouvernements Félix Gouin, Georges Bidault, et Paul Ramadier sous la IVe République.

C'est que dès 1943, à la tête d'une commission de médecins et de militants, il a formalisé, soutenu par le Conseil national de la Résistance, le projet d'une caisse d'indemnisation universelle englobant les frais médicaux, les arrêts de travail et les retraites, et dont le lancement est planifié dès que la guerre sera terminée.

C'est chose faite dès fin 1945, avec la mise en chantier d'une première série, partout en France, de 138 caisses de Sécurité sociale.

Fervent défenseur des humbles et des travailleurs, ses derniers mots à l'Assemblée nationale le 24 octobre 1950, alors qu'il ne lui reste plus que quelques mois à vivre et qu'il est rongé par la maladie, sont toujours et encore pour la Sécurité sociale :

« Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès. »

L'influence de son action au service des Français est cependant à l'époque sous-estimée. Ainsi, pour annoncer sa disparition, le quotidien L'Aube ne publie qu'une courte nécrologie le 12 février, qui résume les étapes de sa carrière sans mentionner les principaux combats qu'il a menés :

« M. Ambroise Croizat, député communiste de la Seine, ancien ministre du Travail et secrétaire général de la fédération des métaux C.G.T. est mort hier matin à l'hôpital de Suresnes, des suites d'une intervention chirurgicale. Il était âgé de quarante-neuf ans… »

Le 15 février, le son de cloche est tout à fait différent dans les colonnes du journal de la gauche ouvrière L'Émancipateur qui publie une longue tribune intitulée « Hommage des femmes travailleuses à leur bienfaiteur Ambroise Croizat ».

« Notre camarade Ambroise Croizat vient de mourir ! Telle est la phrase douloureuse répétée de bouche en bouche dans la journée de lundi par les femmes travailleuses de Bourges.

Cette cruelle réalité apparaît en effet, aux yeux des travailleuses, comme d'autant plus pénible qu'elles savent ce qu'elles doivent à ce grand héros de la classe ouvrière qui, jusqu'à son dernier souffle, a fourni les preuves de fidélité, d'abnégation et de dévouement envers les travailleurs pour le bien-être desquels il a donné jusqu'à sa vie. 

Organisées par le Parti communiste français, les obsèques d'Ambroise Croizat, qui ont lieu le 17 février, sont à la mesure de l'œuvre qu'il laisse derrière lui.

Un million de personnes accompagnent en silence sa dépouille depuis le siège de la C.G.T. à Montreuil jusqu'au cimetière du Père Lachaise, en présence de nombreux dirigeants politiques et syndicaux, ce « peuple de France qui l'avait aimé et à qui il avait donné le goût de la dignité » comme l'écrira Jean-Pierre Chabrol le 18 février 1951 dans L'Humanité.

Injustement oublié par l'Histoire qui n'a pas retenu son nom, son souvenir restera vivace pour longtemps dans le cœur des militants les plus fervents. Pour conserver son souvenir, L'Émancipateur écrivait, un an après son décès, dans son édition du 21 février 1952 :

« Ambroise Croizat est mort le 11 février 1951. Ce fut un militant modèle, toujours à la tête des travailleurs pour la défense du pain et de la Paix […].

On lui doit l'institution de la Sécurité sociale, des Comités d'Entreprise, l'allocation aux Vieux travailleurs… »

Aujourd'hui, plus de 60 ans après sa mort, ce personnage central de la lutte syndicale sort peu à peu de l'oubli. Un livre sur son combat intitulé Ambroise Croizat ou l’invention sociale est paru aux éditions GAP.

La Sécurité sociale quant à elle, fidèle à sa mission, soigne toujours et encore chaque année des millions de Français.