Généalogie

Un élu dans la famille ? Découvrez son parcours dans RetroNews !

le 11/09/2023 par Tony Neulat
le 11/09/2023 par Tony Neulat - modifié le 11/09/2023

Les représentants du peuple, tant par leur statut public que social, sont abondamment mentionnés dans la presse ancienne. En effet, les journaux, organes d’information aux colorations politiques, ne manquent pas de relayer et commenter candidatures et élections, victoires et défaites, cérémonies officielles et discours. Une chance pour leurs descendants.

La tentation est grande pour un notable local, qu’il soit notaire, instituteur ou industriel, de verser en politique. Son statut social, son éducation, sa notoriété et son aisance financière constituent autant de prédispositions à la vie publique. Ainsi en est-il du pharmacien Auguste Arthur Géraudel (1841-1906). Inventeur des célèbres pastilles Géraudel, il a déjà fait l’objet de deux articles aux printemps. À l’occasion de notre enquête, nous avions notamment découvert qu’il s’était présenté aux élections législatives. Tâchons d’en savoir plus et d’identifier, ce faisant, les principaux renseignements relatifs aux élus figurant dans les journaux anciens.

Une recherche simple telle que « Géraudel élections » renvoie plus de 5000 résultats… Par défaut, RetroNews propose en effet tous les journaux qui comportent ces deux mots au sein de la même page - ces deux mots pouvant être issus d’articles distincts, voire de rubriques différentes. Affinons notre requête à l’aide de la recherche avancée (réservée aux abonnés) en saisissant ces mêmes termes dans le champ « Tous ces mots » et en cliquant sur « Chercher dans la colonne ». Le nombre de résultats chute mais reste trop élevé : 1500. La coche de la case « Recherche exacte » permet de diviser le nombre de propositions par deux. On constate au premier coup d’œil, grâce aux vignettes affichant des extraits de journaux, que plusieurs résultats méritent notre attention.

Le journal Le Ruy Blas du 27 janvier 1912, apparaissant en deuxième position comporte en effet un passage particulièrement intéressant :

« M. Steeg a récompensé aussi les efforts de M. Géraudel, pharmacien, fils et successeur de son père. M. Géraudel qui va pouvoir arborer désormais la pastille violette est conseiller municipal de Sainte-Menehould et conseiller général de la Marne. M. Géraudel fut, un moment, sollicité de poser sa candidature au siège sénatorial de la Guadeloupe et il s’effaça devant M. Henry Bérenger qu’il jugeait devoir rendre à son Parti plus de services qu’il n’en aurait rendu lui-même. »

Un train peut en cacher un autre… Car, comme nous le constaterons promptement, ce n’est pas Auguste Arthur Géraudel mais son fils qui sera le plus impliqué dans la vie politique de sa ville et de son département. Le 4e résultat nous révèle son prénom, Albert, à travers un passage du journal Le Petit bleu de Paris du 1er mai 1914 : 

« DÉMISSION de MAIRE
À la suite des élections de dimanche dernier, M. Albert Géraudel, maire de Sainte-Menehould (Marne), a envoyé lundi sa démission de maire.
Ses deux adjoints, MM. Lallement, conseiller d’arrondissement, et Chevallier l’ont suivi dans sa retraite.
M. Géraudel, qui était candidat de l’Alliance démocratique à l’élection législative a été mis en minorité, contre le député radical sortant, M. Margame, et le candidat de l’Action libérale, le docteur Mathieu. »

Quant au 5e résultat, il est tout aussi intéressant. Tiré de La Dépêche du Berry du 25 juin 1914, il nous révèle la « délicate attention » d’Albert Géraudel envers son adversaire aux élections législatives :

« M. Margaine a dû avaler une « pilule » plus amère. M. Géraudel qui l’avait combattu aux dernières élections est, on le sait, maire de Sainte-Menehould. Il convoqua dès vendredi soir ses amis du Conseil municipal et fit voter cette adresse à son ancien adversaire :
"Les soussignés félicitent leur concitoyen et collègue d’avoir, en acceptant le portefeuille de sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, répudié ouvertement le programme du Parti radical unifié de la rue de Valois, dont il se réclamait quelques heures auparavant…"
Dorénavant M. Margaine ne prendra pour son rhume que des pastilles Géraudel. »

Comme on peut le constater, la moisson est excellente. 2 mots-clés dans le moteur de recherche avancée, 6 clics, 3 extraits de journaux parmi les 5 premiers résultats ont suffi à faire apparaître, comme par magie, un élu insoupçonné et plusieurs aspects de sa carrière politique de conseiller municipal, de maire, de conseiller général et de candidat aux élections législatives. Nous pourrions poursuivre sur la même voie et butiner de coupure de presse en coupure de presse. Adoptons plutôt une démarche structurée à l’aide de recherches plus ciblées.

Tout d’abord, nous savons, à l’aide de recherches généalogiques classiques, qu’Albert est né en 1878 et décédé en 1951. Nous pouvons donc exclure tous les résultats antérieurs à 1903 puisqu’il fallait être âgé de 25 ans pour être éligible. La recherche des termes « Géraudel élections » au sein de la même colonne de 1903 à 1951 livre ainsi 273 résultats, que nous pouvons classer chronologiquement à l’aide du menu en haut à droite « Date croissante ». De 1903 à 1910, point de trace d’Albert Géraudel dans le milieu politique. On y découvre néanmoins dans L’intransigeant du 15 février 1907 et dans L’Écho de Paris du même jour qu’il est promu au grade d’officier d’Académie. Quant à La Gazette de Château-Gontier du 17 octobre 1907, elle nous révèle qu’il figure dans la dernière promotion du Mérite Agricole.

C’est le 21 février 1910, à 31 ans, qu’Albert Géraudel fait son entrée sur la scène politique à l’occasion des élections législatives. Les « chroniques électorales » de plusieurs journaux relaient la nouvelle à l’identique : L’Opinion française, politique, commerciale et financière, La République française, Paris, Le Temps, L'Action, etc... :

Albert Géraudel fait ainsi partie des 3 candidats envisagés pour représenter le parti radical dans le canton de Sainte-Menehould. Néanmoins, nous découvrons quelques jours plus tard, notamment dans Le Radical du 28 février 1910, que c’est son rival, M. Margaine, qui est choisi à l’unanimité. Comment faut-il interpréter la déclaration suivante : « M. Géraudel, qui avait l’intention de se présenter, a déclaré nettement que pendant la campagne électorale il combattra en faveur de M. Margaine. » ? Car le journal Gil Blas du 2 avril 1910, au sein d’un article intitulé « Tous candidats ! » précise qu’en face de M. Margaine « se dresse M. le docteur Mathieu, conseiller municipal, qui est républicain catholique, M. Guillemain, notaire, et enfin M. Albert Géraudel ». Le verdict tombe peu après, notamment dans La Presse du Centre du 25 avril 1910, et il est sans appel : le candidat Géraudel recueille un nombre dérisoire de votes et c’est M. Margaine qui est élu.

Qu’à cela ne tienne ! Albert Géraudel est nommé quelques semaines plus tard « conseiller du commerce extérieur de la France » d’après Le Bien du peuple de Dijon du 12 juin 1910. En outre, il est élu au conseil général de la Marne le 24 juillet 1910 comme l’annoncent de nombreux journaux le jour suivant (Le Gaulois, L'Action, Le Matin etc...). L’Indépendant rémois du 26 juillet 1910 est plus précis puisqu’il révèle qu’Albert Géraudel, candidat radical socialiste, est élu par 1635 voix contre 1297 au titre du canton de Sainte-Menehould.

18 mois plus tard, Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne du 10 janvier 1912 nous informe de l’ambition de « M. Géraudel fils, le fils des pastilles, un garçon qui a tous les moyens pour faire les frais considérables d’un voyage aux Antilles », de devenir sénateur de la Guadeloupe. Mais le Ruy Blas du 27 janvier 1912, cité au début de cet article, nous apprend quelques semaines plus tard qu’Albert Géraudel s’efface devant un autre candidat, M. Henry Bérenger. En mai 1912 ont lieu les élections municipales à Sainte-Menehould. S’opposent alors la liste républicaine et la liste radicale socialiste comme l’indique L’Indépendant rémois du 7 mai 1912 lorsqu’il publie les résultats du vote. Albert Géraudel, conseiller général, décroche le meilleur score (454 voix) après son rival M. Margaine, député (480 voix). Nous apprenons deux semaines plus tard, dans le même journal qu’Albert Géraudel est nommé maire de Sainte-Menehould. La nouvelle est relayée dans de nombreux périodiques : La France, Le Rappel, La Démocratie, La Lanterne

Deux ans plus tard, en avril 1914, c’est le retour des élections législatives. Malgré sa cuisante défaite de 1910 contre M. Margaine, Albert Géraudel se présente à nouveau, à la tête de la Fédération des gauches et avec l’appui des progressistes, comme l’annoncent divers journaux (Les Nouvelles du 16 février 1914, Le Petit Moniteur universel du 17 février 1914 etc...). Certains journaux, tel que Le Voltaire du 17 avril 1914, , détaillent même quelques aspects de son programme consistant à combattre « avec l’impôt sur le revenu et le monopole de l’enseignement le retour à la loi de deux ans ».

Hélas, bis repetita placent. Nouvelle humiliation pour Albert Géraudel qui ne recueille que 15% des suffrages comme l’énonce Le Petit Parisien du 27 avril 1914 : 

« MARNE

Arrondissement de Sainte-Menehould
Inscrits : 7571 – Votants : 6523
Margaine, dép. s., rad. soc… 3053 voix
Docteur Mathieu, libéral…… 2418 -
Géraudel, progressiste……… 982 - »

L’opprobre est telle qu’Albert Géraudel adresse dès le lendemain sa lettre de démission de maire de Sainte-Menehould au préfet. La nouvelle est relayée par une vingtaine de journaux.  Mais la vengeance est un plat qui se mange froid comme nous avons pu le constater précédemment à travers l’extrait de La Dépêche du Berry du 25 juin 1914. Albert s’efface ensuite du monde politique, du moins à en croire les résultats de notre requête initiale.

Pour en avoir le cœur net, lançons une nouvelle recherche sur les mots-clés « Géraudel maire Menehould » au sein du même paragraphe. Albert Géraudel apparaît alors sous un jour nouveau, non plus simplement comme candidat aux élections mais comme maire et élu. Nous le suivons au fil des cérémonies patriotiques, notamment à Passavant en août 1912 et 1913. Nous « écoutons » presque ses discours, en partie retranscrits. Des discours qui rappellent les massacres de 1870 et entretiennent la rancœur envers l’Allemagne. Des discours qui résonnent particulièrement quand on sait que la Grande Guerre éclatera un an plus tard. L’Indépendant Rémois du 29 août 1912 reproduit in extenso un de ses discours prononcé à l’occasion de l’anniversaire du massacre de Passavant :

De même, Le Temps ou Le Journal des débats politiques et littéraires du 28 août 1913 immortalisent une partie du discours prononcé dans les mêmes circonstances, l’année suivante :

 

Albert Géraudel intervient également, en septembre 1912 et septembre 1913, pour célébrer la victoire de Valmy et le courage des soldats de 1792. La France du 24 septembre 1913 nous laisse entrevoir la fin de l’un de ses discours, prononcé à cette occasion.

Une multitude de recherches additionnelles sur les termes « Géraudel conseiller », « Géraudel élu », « Géraudel candidat », « Géraudel discours », « Géraudel Menehould », ciblées ou non sur L’Indépendant rémois, permettraient d’affiner légèrement le parcours du pharmacien Géraudel. On y découvrirait par exemple qu’Albert Géraudel est, en 1910, le plus jeune des conseillers généraux de la Marne d’après L’Indépendant rémois du 23 août 1910, qu’il est nommé conseiller du commerce extérieur en 1912 d’après le Ruy Blas du 1er juin 1912, ou encore qu’Albert était, dès 1908, élu au conseil municipal de Sainte-Menehould (L’Indépendant rémois du 6 mai 1908).

Comme les lignes précédentes l’illustrent, le cas du pharmacien Albert Géraudel est particulièrement instructif. Sa carrière, malgré sa brièveté et son succès limité, a pu être retracée sans difficulté grâce à la presse ancienne dans RetroNews, depuis son élection au conseil municipal de Sainte-Menehould, au conseil général de la Marne en passant par son mandat de maire et ses aspirations aux rôles de député et de sénateur. Annonces de candidatures, résultats d’élections, chroniques électorales, compte-rendu de congrès, déroulé de cérémonies officielles, retranscription de discours… constituent autant d’opportunités de reconstituer le parcours politique d’un élu à travers ses idées, son parti, son programme, ses candidatures, ses fonctions, ses manigances et ses prises de paroles.

PS : les lecteurs les plus attentifs s’interrogeront probablement : quid du père Géraudel ? N’était-il pas le point de départ de l’enquête ? Sa carrière politique fut, vingt ans plus tôt, encore plus brève et plus infructueuse que celle de son fils. Je vous laisse le découvrir par vous-mêmes dans RetroNews.

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiquesRetrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.