Interview

Marcel Gauchet : « La promesse robespierriste est plus actuelle que jamais »

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« Le Triumvir Robespierre », estampe, Tassaert, 1794 - source : Gallica-BnF

Comment Robespierre est-il passé du défenseur absolu des droits du peuple à la figure de « dictateur » de la Terreur ? Qu'a à nous apprendre son expérience du pouvoir ? L'historien Marcel Gauchet s'est penché sur la figure aussi clivante que fascinante de Maximillien Robespierre, « l'homme qui nous divise le plus ».

Marcel Gauchet est philosophe et historien. Il est l'auteur de Robespierre, L'Homme qui nous divise le plus, paru en 2018 aux éditions Gallimard.

RetroNews : Avant la Révolution, Robespierre est un « banal »​ avocat de province. S’est-il distingué dans ses fonctions ? Peut-on, déjà, entrevoir la personnalité et les convictions de celui qui deviendra le défenseur acharné des droits du peuple ? 

Marcel Gauchet : Robespierre, rappelons-le, a 31 ans lorsqu’il arrive aux États Généraux en 1789 comme député du Tiers État de l’Artois. Il est encore au début de sa carrière. Il s’annonce comme un professionnel de valeur, tout à fait dans le mouvement du siècle, mais sans rien qui le désigne comme appelé à un rôle de premier plan. L’expérience de la transformation des États Généraux en Assemblée nationale constituante [voir notre article] est l’occasion pour lui d’une véritable conversion qui le révèle à lui-même et le transforme en ce dont il portait sans doute les dispositions profondes, mais des dispositions qui n’avaient pas eu l’occasion de s’exprimer. C’est un autre homme qui émerge avec cette adhésion inconditionnelle et inflexible à une cause qui est d’abord celle des « principes » avant de devenir celle du peuple.

Première prise de parole à l'Assemblée constituante de Maximillien Robespierre le 2 juillet 1789 retranscrite dans Le Moniteur Universel après la Prise de la Bastille, le 20 juillet 1789.

« Il faut aimer la paix, mais aussi il faut aimer la liberté.

Avant tout, analysons la motion de M. de Lally. Elle présente d’abord une disposition contre ceux qui ont défendu la liberté. Mais y a-t-il rien de plus légitime que de se soulever contre une conjuration horrible, formée pour perdre la Nation ? […]

La Bretagne est en paix, les provinces sont tranquilles.

La proclamation [de la Révolution] y répandrait l’alarme, et ferait perdre la confiance. Ne faisons rien avec précipitation : qui nous a dit que le...

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