Interview

En 1938, la France était « un pays faiblement démocratique »

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Le président du Conseil Daladier accueilli par von Ribbentrop à Munich, en amont de la signature des « Accords », L'Ouest-Éclair, 1938 - source : RetroNews-BnF

Dans son ouvrage intitulé Récidive, le philosophe Michaël Fœssel montre pourquoi l'année 1938 a constitué un tournant majeur de l’histoire de France, et dresse un saisissant parallèle avec l’époque actuelle.

Philosophe, professeur à l’École polytechnique, Michaël Fœssel s'est plongé dans la presse de l’année 1938, année lors de laquelle « la France n'était pas tant une démocratie faible qu'un pays faiblement démocratique ». Il montre comment l'énergie des citoyens a été mobilisée pour « remettre la France au travail », « œuvrer à l'identité nationale », retrouver le « sens du sacrifice » et désigner les « ennemis intérieurs ». Des méthodes qui ont ouvert la voie à l'instauration du régime de Vichy.

Entretien avec l’auteur d’un saisissant voyage dans le temps.

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : Qu’est-ce qui a présidé à votre choix de l’année 1938 pour tenter de décrypter 2019 ?
 
Michaël Fœssel : On parle souvent, pour décrire ce qui nous arrive politiquement, de « retour aux années 1930 ». Certains jugent que ce retour est perceptible dans la montée en puissance des mouvements nationalistes en Europe, l'aggravation de la crise sociale, les passions xénophobes qui s'emparent des opinions publiques. D'autres rejettent a priori de telles comparaisons au nom de la différence absolue du présent.

J'ai voulu en savoir un peu plus sur ces « années 1930 », pas dans les pays déjà totalitaires ou dictatoriaux (Allemagne, Italie, bientôt l'Espagne), mais dans une république comme la France. J'ai essayé de comprendre comment des solutions autoritaires avaient pu s'imposer dans des pays démocratiques. Utilisant les fonctionnalités offertes par RetroNews et Gallica, j'ai donc consulté la presse française des années 1930. Je me suis aperçu très vite que 1938 avait marqué un tournant.

C'est la première fois, en avril de cette année, que le journal d'extrême droite Je suis partout publie un numéro spécial consacré aux « Juifs ». Ce même mois, Léon Blum échoue pour la dernière fois à former un gouvernement de Front populaire, et cela entraîne un changement d'alliance du parti central (les radicaux) qui passent de la gauche à la droite. Au fil de ma lecture des journaux, j'ai pris la mesure de cette mutation et j'...

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