Interview

Lorsque faire grève était interdit : entretien avec Stéphane Sirot

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Grêve dans une blanchisserie, Agence Meurisse, 1936 - source : Gallica-BnF

Sous la Révolution et l'Empire, la grève est interdite et pénalement sanctionnée. Tout va changer en 1864 avec la loi Ollivier qui permet, pour la première fois, aux salariés d'arrêter de travailler sans risquer d'être poursuivis. Quels mécanismes ont permis cette évolution législative ?

Historien français, spécialiste du syndicalisme et de la sociologie des grèves, Stéphane Sirot enseigne l'histoire politique et sociale du XXe siècle à l'université de Cergy-Pontoise, ainsi que l'histoire et la sociologie du syndicalisme à l'université de Nantes.

On lui doit  notamment La grève en France, paru aux Éditions Odile Jacob en 2002, Le syndicalisme, la politique et la grève aux éditions de l'Arbre bleu en 2011, et  1884 : des syndicats pour la République édité par Le Bord de l'eau en 2014.

Propos recueillis par Arnaud Pagès

RetroNews : Dans quel contexte la loi Ollivier est-elle votée ?

Stéphane Sirot : Pour comprendre l'évolution de la législation, il faut revenir à la Révolution française et à la loi Le Chapelier de 1791, qui interdit strictement la grève. En 1810, le Code pénal va même aller encore plus loin en durcissant les sanctions à l'encontre des grévistes. Jusqu'au Second Empire, il va y avoir des épisodes de répression, mais aussi des conflits qui durent dans le temps et qui peuvent déboucher à l'occasion sur  l'acceptation de certaines revendications par le patron.

En 1864, la loi Ollivier va dépénaliser la grève, mais sans la légaliser pour autant. Alors que le Second Empire décline, l'élite politique souhaite s'attirer les bonnes grâces du monde ouvrier qui était, jusque-là, très largement marginalisé et étroitement surveillé. C'est un corps social que l'on craint beaucoup dans les cercles du pouvoir.

Par ailleurs, à partir du milieu du XIXe siècle, la question de la pénibilité du travail en usine commence à émerger. L'industrialisation bat son plein et le patronat a besoin d'une main-d'œuvre productiv...

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