Interview

Un « impératif de fécondité » : être mère chez les rois de France

Marie-Antoinette et ses enfants, tableau de Louise-Élisabeth Vigée Le Brun, circa 1780 - source : Gallica-BnF

Chez les Bourbons, la maternité des reines et des princesses de France est un fait politique majeur, qui va au-delà de la fabrication de l’héritier du trône. Explications de Pascale Mormiche, auteure de Donner vie au royaume. Grossesses et maternités à la cour, XVIIe-XVIIIe siècles.

RetroNews : À la cour des Bourbons, les reines et les princesses de France sont soumises à ce que vous qualifiez dans votre ouvrage d’« impératif de fécondité et de maternité ». Comment se traduit cette injonction ?

Pascale Mormiche : Du début du XVIIe à la fin du XVIIIe siècle, ce sont 140 enfants qui naissent dans les Maisons royales : cinq d’entre eux deviendront rois. L’enjeu dynastique est évidemment crucial et perdure au-delà de la naissance du premier garçon, compte tenu notamment de l’importance de la mortalité infantile.

Cette injonction à la maternité se poursuit tout au long de la vie des reines et des princesses, et les grossesses sont appelées à se succéder à intervalles rapprochés. D’autant qu’à la cour de France, la maternité prime sur le maternage : les reines sont tenues de reprendre les relations sexuelles avec le roi dès la fin de leur période de relevailles et de ne pas allaiter pour pouvoir être rapidement fécondes à nouveau. Même Marie-Antoinette, qui semble avoir souhaité allaiter ses enfants – à un moment où l’allaitement revient à la mode, dans les années 1755-1760 – y a renoncé. Dès sa naissance, chez les Bourbons, l’enfant rejoint ses propres appartements, loin de la chambre de la reine. Il dispose d’ores et déjà de son propre personnel et la reine délègue son rôle de mère aux nourrices et à la gouvernante qui dirige la Maison des Enfants.

Parmi les nombreuses grossesses, la première maternité occupe une place à part : c’est elle qui « fabrique » véritablement la reine de France née étrangère, bien plus que le changement de vêtements au passage de la frontière, le mariage ou même la consommation de celui-ci. Après la naissance d’un premier enfant, la répudiation devient impossible : l’alliance diplomatique qui est au fondement du mariage se trouve alors définitivement scellée, incarnée dans le nouveau-né.

Quelle est l’incidence de ces grossesses sur la vie de cour et sur la politique du royaume ?

Quand la reine est enceinte ou vient d’accoucher, c’est toute la vie de cour qui s’en trouve affectée : le calendrier est modifié, les déplacements réduits – on ne va plus à Fontainebleau ou à Marly –, les soirées d’appartement à Versailles diminuent d’intensité pour ne pas fatiguer la reine…

Ces grossesses sont également utilisées à des fins politiques, comme en témoigne l’épisode de la naissance de la fille de Louis  XIV et de Marie-Thérèse en 1664, ...

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