Interview

L'exécution de Louis XVI, « un acte politique et politicien »

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Procès de Louis XVI : le roi à la barre de la Convention le 11 décembre 1792, estampe de I.S. Helman - source : Gallica-BnF

Pendant plusieurs mois, le sort de Louis XVI a été incertain. Jean-Cément Martin retrace les rivalités politiques et les violents affrontements qui ont abouti au verdict d'exécution, montrant que la mort du roi, loin d'être un passage obligé de la Révolution, est un acte surtout politique.

RetroNews : Quelles sont les forces politiques en présence le 10 août 1792, date à laquelle Louis XVI est chassé du trône ?

Jean-Clément Martin : La chute de la monarchie voit l’avènement de deux forces immédiatement antagonistes. D’un côté les sans-culottes et l’aile gauche des Jacobins, qui estiment avoir été les vainqueurs du mois d'août 1792 et veulent installer un nouveau régime, a minima en emprisonnant le roi, voire en l’exécutant. De l’autre côté, la force au pouvoir est le groupe de ceux que l’on appellera plus tard les Girondins, qui ont des députés dans l’Assemblée législative, où ils ont accueilli le roi le 10 août, mais qui, en définitive, se révèlent incapables de décider de son sort.

Cette situation inédite, imprévue, débouche en septembre 1792 sur la création d’une nouvelle institution, la Convention, qui rassemblent les députés (pouvoir législatif) parmi lesquels sont distingués ceux qui composent des comités chargés de fait du pouvoir exécutif. La fonction royale n’a pas été remplacée par un président quelconque. Mais en septembre 1792, ce nouveau régime qu’on appelle République n’a ni organisation, ni structure, ni orientation, et n’a pas de constitution avant août 1793 – constitution qui est d’ailleurs suspendue en attendant la paix.

En septembre 1792 (et jusqu’en juin 1793) la majorité est toujours du côté des Girondins, appuyés sur les députés dits de la Plaine, contre ceux qui sont appelés Montagnards, proches des sans-culottes. C’est une situation d’instabilité totale, dans laquelle les forces s’équilibrent et sont opposées les unes aux autres.

Quels affrontements, quels débats naissent de cet échiquier politique très divisé ? 

Le groupe de sans-culottes revendiquent de prendre le pouvoir, au nom de leur rôle, pour établir ce qui s’apparente à une démocratie directe. A gauche de la Convention, les Montagnards, qui ne veulent pas d’une démocratie directe, s’allient cependant avec les sans-culottes autour d’une orientation sociale, tout en refusant un contrôle des échanges commerciaux. Les Girondins, eux, ne veulent pas entendre parler d’une alliance avec les sans-culottes, qui sont des rivaux politiques. Ces groupes sont eux-mêmes très divisés car leurs leaders sont opposés et qu’il y a en outre une urgence à gérer : la guerre contre l’Autriche et la Prusse. A partir d’août-septembre 1792, celle-ci est plutôt stabilisée favorablement à la République. Mais elle coûte cher et elle oblige à disposer d’un Etat centralisé.

Dans cette situation, que faire du roi ? Peut-il servir d’otage ou d’élément d’échange avec les adversaires ? C’est la position d'une grande partie des membres de l’Assemblée, qui estime aussi que tant que le roi est en vie, la guerre ne s’étendra pas. Tant que le roi n’est pas mort, la France n’est pas un ...

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