Interview

Quand les socialistes pensaient la nation : histoire d'une entente impossible

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Illustration du chant des travailleurs « L'Internationale », estampe de Steinlen, 1895 - source : Gallica-BnF

La « question nationale » a toujours été un sujet de controverses pour les socialistes. Langue, territoire, frontières, identité nationale... Dans son dernier ouvrage, l'historien Jean-Numa Ducange restitue la richesse des débats qui ont secoué la gauche tout au long de son histoire.

RetroNews : Pourquoi la « nation » n’a-t-elle rien d’une question primordiale dans les premiers temps du socialisme ?

Jean-Numa Ducange : Initialement, de nombreux socialistes considèrent que la question des nationalités est importante et doit être discutée à plusieurs niveaux. Les questions nationales traversent ainsi de nombreux textes de Marx et Engels dans les années 1850-1860, dont Le Manifeste du parti communiste, même si ce n’est certes pas leur priorité que d’en débattre en profondeur et longuement.

Mais, globalement, le sentiment partagé au XIXe siècle est que la question sociale et les luttes de classes sont plus importantes que celle de la nation. L’idée est que, comme le capitalisme continue de se développer et fait sauter les barrières progressivement, il finira par abolir les frontières, et la question se résoudra donc d’elle-même. Au cours du XIXe siècle, on considère que la question nationale n’est que stratégique et ponctuelle.

A partir de quand la gauche commence-t-elle à s’y intéresser ? Quels courants de pensée s’affirment alors ? 

Des lendemains des révolutions de 1848 jusqu'aux années 1880, les socialistes portent des revendications stratégiques, notamment celle de l'indépendance de l’Irlande, alors sous la férule de l'empire britanni...

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