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Chronique

1922 : Le pape Benoît XV est mort !

En ces temps de lendemains de guerre mondiale, la nouvelle se répand come une traînée de poudre : Benoît XV, pape pacifiste, vient de s’éteindre. Mais après les premières dépêches unanimes, les articles critiques vis-à-vis du Saint-Père commencent à faire surface.

catholicismepapautéItalieVaticanBenoît XVReligion

Ecrit par

Rachel Mazuy

Publié le

24 avril 2025

et modifié le 28 avril 2025

Image de couverture

Portrait de Benoît XV, Antonio Fabrés, 1916 - source : Musée du Prado-WikiCommons

La nouvelle de l’heure exacte de la mort du pape Benoît XV apparaît pour la première fois en Une le jour même, le 22 janvier 1922, dans quelques quotidiens paraissant le soir :  La Libre Parole,  La Presse ou La Patrie. 

La veille, des articles narrent déjà en détail son état désespéré et la maladie brutale (une bronchite grippale) qui touche un homme relativement jeune, puisque Benoît XV, marquis della Chiesa, est né en 1854, sous le nom de Giacomo, dans une grande famille d’Ombrie. Il n’est pape que depuis un peu plus de six ans, ayant succédé à Pie X en 1914,  au tout début de la guerre.

Ce décès est par ailleurs si attendu que, dès le 21, des dépêches d’agence l’ont évoqué prématurément ; des annonces rapidement réfutées pour quelques heures supplémentaires. Certains journaux vont d’ailleurs titrer sur son trépas avant l’heure, ainsi de  La Dépêche de l’Aube. Et si  La France Libre du 22 janvier est plus prudente, le journal brosse néanmoins un portrait du pontife. Il narre l’histoire de sa famille comptant des marins et soldats illustres, son entrée à la secrétairerie d’Etat en 1882, où il apprend le métier de diplomate pontifical, son séjour en Espagne (1883-1887), son retour à Rome, sa nomination comme archevêque (1907), et celle, plus difficile, comme pape après la mort de Pie X, le 26 août 1914, quelques mois seulement après avoir été nommé cardinal (25 mai). 

Le plus grand journal catholique de France, La Croix, évoque lui sa  maladie le 21, met en Une  son agonie le 22 janvier, mais, ne paraissant pas le 23, fait sa Une sur sa disparition  le 24 seulement. C’est aussi le cas de certains  journaux coloniaux.

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Le journal monarchiste  L’Action française du 22 janvier, n’annonce pas non plus la mort, dans son article intitulé « Le monde catholique dans l’angoisse », mais égrène les nouvelles arrivées par dépêches quasiment heure par heure, expliquant que le pape a sombré dans le coma dès la mi-journée le 21. 

On n’a évidemment pas tout à fait le même son de cloche dans  L’Humanité, qui, reprenant en fait les dépêches du Temps, écrit le 23 : 

« À 5 h. 5, le pape voulut se lever, réclama ses vêtements pour assister à 5 h. 30 à la messe célébrée par le cardinal Vico.

A 5 h. 30., on observa l'extrême pâleur du moribond. Ses pieds étaient glacés. Le corps se refroidissait. Le pape ne donnait plus signe de vie. Mais le cœur battait encore, faiblement. 

A 6 h. 5, le docteur Cherubini annonça la mort aux prélats présents (...). »

Par la suite, à sept heures, alors que la foule continue de s’amasser sur la place Saint-Pierre, «  malgré la nuit qui régnait encore », les cloches de Saint-Pierre retentissent.

On sent bien qu’une partie des articles a été rédigée avant l’annonce officielle, et qu’il ne manquait plus que l’heure exacte du décès. De fait, raconte  Le Temps, « pendant toute la nuit, de nombreux groupes, notamment de journalistes ont stationné sur la place Saint-Pierre. »

Hormis la presse catholique, parmi les journaux qui consacrent le plus de place à l’événement se trouve L’Excelsior. Outre une série de photographies couvrant toute  la première page du numéro du 23 janvier, on trouve ainsi en page 2  trois articles intitulés « LA MORT DU PAPE BENOIT XV. ROME, 22 janvier, 6 h. 15 du matin. — Le Souverain Pontife s'est éteint doucement à 6 heures. » 

Les articles décrivent également avec plus ou moins de détails tout le rituel de proclamation officielle de la mort, et les suites du cérémonial. Ayant par testament refusé d’être embaumé, son corps revêtu des habits pontificaux n’est ensuite  exposé que durant deux jours dans la salle du trône. Une partie de la presse évoque les réactions de la foule place Saint-Pierre, et note que la « Rome officielle » a pour la première fois  pris part au deuil du Vatican.

A partir du 21 janvier 1922, et dans les jours qui suivent, ce sont en fait plus de 200 articles qui vont évoquer l’agonie, le décès papal et ses conséquences à différentes échelles. En mars encore, La Croix fait état des  réactions dans la presse bulgare.

Nonobstant, au sortir de la Première Guerre mondiale, les nécrologies sont loin d’être toutes unanimes et sans saveur.  Excelsior dresse ainsi le portrait d’un fin diplomate œuvrant pour la paix en Europe, pour qui « la réconciliation avec la France fut la pensée maîtresse ». 

« A la politique belliqueuse de Pie X, Benoît XV fit succéder celle de Léon XIII. Grâce à lui, l'ambassadeur de la France reprit sa place traditionnelle dans la tribune diplomatique. S'il eût vécu encore quelque temps, il eut signé, vraisemblablement, le concordat de la Séparation.
(...)

Enfin, Benoît XV a voulu la paix de l'Europe et du monde. On n'a pas oublié ses initiatives humanitaires pendant la guerre. Son attitude, d'ailleurs, fut très critiquée. Mais il faut bien le reconnaître, autant par les Allemands que par les Français :

— L'Europe marche à son suicide, déclarait-il solennellement en 1917.

Sous une apparence chétive, le pontife cachait une âme hardie et courageuse. Il ne craignait pas l'impopularité. Et c'est peut-être cette impopularité passagère qui jettera un lustre durable sur sa mémoire. La postérité le placera, non aux côtés des saints, mais avec les diplomates, avec Léon XIII. »

L’hebdomadaire Le Monde illustré donne lui la parole à monseigneur Baudrillart, recteur de l’Institut catholique de Paris, pour évoquer la politique du prélat qui vient de mourir vis-à-vis de la France, en définissant ses deux objectifs à la fin de la guerre :

« Aider de toutes ses forces à transformer la paix précaire actuelle en une paix définitive et sincère ; 

Étendre les frontières de l'Eglise Catholique, ce qui lui paraissait beaucoup plus facile depuis que les anciennes organisations politiques, étroitement liées à des organisations religieuses, avaient disparu. »

Pour l’évêque français, la papauté se méfiait en fait de l’Autriche, et d’une Russie dont l’orthodoxie nuisait au catholicisme romain, contrairement à la France. Selon lui, c’est vers les pays des Balkans et du Levant que l’influence française aurait pu aider la propagande pontificale.

Le ton est carrément emphatique dans  La Revue française politique et littéraire du 29 janvier qui consacre quasiment deux pleines pages au sujet : 

« Dès que fut connue la nouvelle que Sa Sainteté le Pape Benoît XV se mourait, les esprits les moins ouverts aux spéculations religieuses pressentirent la solennité singulière de cet événement. 

Ils n’auraient su dire peut-être d’où leur venait cette sorte d’effroi sacré qui les prenait soudain et comme malgré eux ; ils tentaient bien de se l’expliquer et de l’expliquer aux autres en répétant que la papauté est ‘la plus grande force morale du monde’ ; 

mais cette vague abstraction ne saurait rendre raison de cette piété unanime qui gagne l’univers chaque fois que son Pasteur et son Père est sur le point d’expirer. »

Pour le journaliste et homme de lettres Robert Vallery-Radot, ami de  Mauriac et  Bernanos et appartenant comme eux au courant de la Renaissance littéraire catholique, le pape a bien été avant tout un homme de paix :

« Sollicité par les uns, dédaigné ou insulté par les autres, méconnu de tous, il s’efforça de rester le Père commun des pasteurs et des fidèles, de blâmer la violence et le mépris de la foi jurée sans offenser aucun des peuples en conflit.

L’Entente s’indigna d’une telle réserve ; pourtant l’Allemagne montra clairement qu’elle entendait très bien à qui s’adressaient ces reproches paternels, elle ne cacha pas son irritation. »

Au contraire, André Chevreux, dans  La Patrie et  La Presse, juge que le pontife n’a pas su, durant son règne, tel un Grégoire VII médiéval ou un Léon XIII, jouer pleinement son rôle, en particulier pendant la Première Guerre mondiale. La raison en serait, selon lui, simple ! Sous couvert de neutralité, son entourage, et sans doute aussi lui-même, étaient en fait inféodés à l’Allemagne, à la Bavière et à l’Autriche catholiques, moins suspectes que la France (depuis la Révolution et l’Empire) aux yeux des pontifes.

« C’était un aristocrate distant qui ne pouvait pas professer pour notre démocratie libre penseuse des sentiments bien tendres. »

Et même si, depuis la victoire, le Pape avait quelque peu modifié sa position,

« On reprochera non sans raison au pape Benoît XV de n'avoir pas tenu le langage qui convenait en présence des atrocités allemandes et d’avoir pu laisser croire au monde qu’il ne les désapprouvait pas. »

Du côté du quotidien communiste, profondément pacifiste à cette date, le  raisonnement est là encore opposé, mais pour des raisons plus internationalistes : 

« Le Pape est mort. À notre époque d'incrédulité, l'événement est de minime importance. Il y a longtemps que l'Église, force de conservation sociale, complice de l'exploitation capitaliste, a perdu toute autorité morale sur les hommes. La dernière guerre où s'affrontèrent dans la même mêlée les adorateurs du même Dieu, ne fut pas faite pour rétablir l'influence du chef de la chrétienté.

Pie X mourut, dit-on, victime de la guerre. C'était au début de l'immonde boucherie, le 20 août 1914, Benoît- XV, qui lui succéda, s'affirma pacifiste.

Les agents de la propagande française, les journalistes au service de la politique belliqueuse de M. Poincaré et des ministres complices criaient à tous les échos que ce pape était germanophile. En ces temps infâmes, la lâche accusation de germanophilie s'appliquait indistinctement à tous les pacifistes et à tous les internationalistes.

La France et ses alliés représentaient l'esprit de guerre, de guerre ‘jusqu'au bout’. Bien que pour des raisons où l'humanité n'avait pas place, les empires centraux voulaient la paix. Tout homme intelligent souhaitait également la fin de l'inutile massacre. »

Quelques jours après, Le Libertaire est encore plus critique sur le souverain pontife. 

Du côté des officiels, par contre, dès le lendemain, des condoléances affluent. Elles émanent du  «  monde de la politique et de la diplomatie, et au monde catholique », et passent de manière physique par la nonciature, visitée par le président Poincaré, ou le président Emile Loubet et sa femme.

Le conclave va se réunir huit jours après le décès. Il sera constitué de 31 cardinaux italiens et de « 30 étrangers », venant seulement d’Europe (dont cinq Français) et d’Amérique (Etats-Unis, Canada et Brésil). Il est donc immédiatement clair pour les journaux qui font des pronostics, que seul un pape italien peut lui succéder. Parmi les huit « papabili » donnés par  Excelsior dès le 23 janvier, tous le sont.

Le Temps ne se trompe pas non plus en alléguant que parmi les trois candidats les plus sérieux, se trouve être Ratti, l’archevêque de Milan ;  c'est lui qui sera effectivement élu, sous le nom de Pie XI, le 6 février 1922.

Mots-clés

catholicismepapautéItalieVaticanBenoît XVReligion
RM

Ecrit par

Rachel Mazuy

Rachel Mazuy est historienne, chargée de conférences à Science Po Paris. Elle travaille notamment sur l'histoire du mouvement ouvrier et les circulations avec la Russie soviétique et l'engagement artistique au XXe siècle.

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