Interview

Quand les femmes livraient leurs tourments à leur directeur de conscience

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La Confession, tableau de Giuseppe Moltini, 1838 - source : Artgate Fondazione-WIkiCommons

Guides spirituels et moraux, les directeurs de conscience furent le réceptacle des aspirations et désespoirs des catholiques, en particulier des femmes. En s'appuyant sur des échanges épistolaires, l'historienne Caroline Muller brosse une « histoire intime des catholiques au XIXe siècle ».

RetroNews : En quoi consiste la direction de conscience, dont la pratique connaît un grand succès au XIXe siècle ?

Caroline Muller : La direction de conscience est une pratique de conseil spirituel et moral, non obligatoire, qui s'ajoute aux dispositifs spirituels courants chez les catholiques, tels que la confession ou la prière. Il s’agit d’une pratique relationnelle : la personne dirigée est suivie par un prêtre ou un moine, à qui elle transmet des bulletins de vie, oraux et épistolaires, dans lesquels elle raconte son vécu au quotidien. En retour, elle reçoit des conseils, voire des consignes, qui ont pour but le progrès moral et spirituel. Le directeur de conscience, grâce à sa capacité à discerner, incarne et prolonge l’autorité de Dieu, ce qui le place dans une position à la fois respectée et crainte.

Cette pratique naît dans le monde monastique. Le premier grand moment de développement se situe au XVIIe siècle, lorsque la pratique commence à concerner de plus en plus de laïcs. Mais le succès de cet usage fait naître des critiques très vives : les directeurs spirituels – en particulier jésuites – sont accusés de manipuler les consciences, de prendre part à des complots politiques, ou encore d’être des débauchés prompts à détourner les femmes de leurs devoirs. Le Tartuffe de Molière (1664) met d’ailleurs en scène les abus de directeurs bien plus intéressés par le corps des fem...

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