Interview

Le Covid-19 face à l'histoire : une interview d'Olivier Faure

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« L'épidémie », illustration de Sebastian Brant parue en complément d'un recueil de textes de Pétrarque, 1532 - source : Gallica-BnF

« Ce qui est frappant aujourd'hui, ce n’est pas l’intensité du mal ; c’est l’intensité de la réaction. » Pour l'historien de la santé Olivier Faure, la rigueur oblige à constater que la catastrophe sanitaire liée au Covid-19 est, pour l'heure, l'une des « moins pires » que le monde a connues.

« La France traverse aujourd’hui la plus grande crise sanitaire de son histoire ».

Martelée comme une évidence, cette affirmation est pourtant historiquement inexacte, comme le rappelle l'historien et professeur des universités Olivier Faure. Spécialiste de l'histoire de la santé, il revient sur les crises sanitaires qui ont jalonné les époques, depuis le Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui, et sur les réponses apportées par l'État. Une plongée dans le passé qui permet de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la crise actuelle.

Propos recueillis par Marina Bellot

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RetroNews : Dans une récente tribune, vous en appelez à la rigueur historique et rappelez que le taux de létalité du Covid-19 est bien loin de celui d'épidémies survenues dans le passé. Pourtant, le monde est entré dans une sorte de sidération. Comment l’expliquez-vous ? 

Olivier Faure : Sans remonter à la peste ou au choléra, il faut savoir que la grippe de Hong Kong en 1968 a par exemple fait 31 000 morts en deux mois dans une France qui ne comptait alors que 50 millions d'habitants. Aucune mesure n’avait été prise, on n'en parlait quasiment pas. Moi-même j'étais adolescent à l'époque, et je n’en ai absolument aucun souvenir. Pour la grippe espagnole, les évaluation sérieuses pour la France font état de 128 000 morts sur 40 millions d’habitants. 

Par ailleurs, cette épidémie n’est pas surprenante par sa propagation. Même dans un monde dans lequel les déplacements n'avaient rien de commun à ceux d’aujourd’hui, la peste, en 1348, a mis seulement deux ans à ravager l'Europe ; le choléra a mis six mois à venir de Russie pour s’étendre à l'ensemble du monde. 

Malgré la densité de la population mondiale, pour l'instant on ne voit pas d'explosion massive du Covid-19. C’est une catastrophe, mais la moins pire vécue depuis un siècle. 

Ce qui est frappant aujourd'hui, ce n’est pas l’intensité du mal, c’est l’intensité de la réaction. Même si c’est inconscie...

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