Écho de presse

Dans la jungle avec Percy Fawcett, à la recherche de la cité perdue de « Z »

le 26/10/2021 par Pierre Ancery
le 18/05/2018 par Pierre Ancery - modifié le 26/10/2021
Percy Fawcett, 1911 - source WikiCommons

L'explorateur Percy Fawcett espérait découvrir les vestiges d'une civilisation avancée au fond de l'Amazonie. En 1925, les derniers messages envoyés par Fawcett depuis la jungle brésilienne sont publiés, avant qu'il n'y disparaisse mystérieusement avec son fils.

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Tout commence en 1914. Le colonel britannique Percy Fawcett, explorateur chevronné des recoins les plus excentrés de l'Amérique du Sud, découvre à la bibliothèque de Rio de Janeiro un vieux manuscrit qui éveille son intérêt. Daté de 1753, le texte est signé d'un aventurier portugais prétendant avoir découvert une cité antédiluvienne dans la région de la serra do Roncador, en pleine jungle brésilienne.

 

Fawcett, qui a déjà entendu des histoires fabuleuses à ce sujet, croit dur comme fer à l'existence de cette mystérieuse cité, à laquelle il donne le nom de point « Z » sur ses cartes. D'après lui, elle aurait pu abriter les derniers rescapés de l'Atlantide... Il veut à tout prix s'y rendre, mais la Société de géographie de Londres ne le prend pas au sérieux et refuse de financer une expédition aussi coûteuse et dangereuse.

 

Le Britannique va donc la monter lui-même, ce qui lui prendra des années. Ce n'est qu'en 1925 que Fawcett, alors âgé de 57 ans, peut enfin se lancer à l'assaut de la jungle amazonienne. En avril, il y pénètre en compagnie de son fils Jack, d'un ami de ce dernier, Raleigh Rimmel, âgé de 22 ans comme lui, et d'une petite troupe de porteurs.

 

La presse va suivre avec attention cette expédition dans une région parmi les plus reculées et les plus mal connues du globe. En France, Le Petit Parisien va publier les messages envoyés depuis la jungle par Fawcett. À cause des difficultés extrêmes de communication, ils paraissent avec sept mois de retard : le premier, daté du 20 mai, est publié le 26 décembre.

« Notre expédition, qui se donne pour tâche d'aller chercher à l'intérieur du Brésil les ruines et vestiges de la plus vieille civilisation de l'histoire, vient d'atteindre la dernière frontière du gouvernement régulier et se prépare à affronter la jungle brésilienne. Nos communications avec l'arrière sont déjà si précaires que lorsque ces mots pourront être imprimés nous aurons depuis longtemps disparu dans l'inconnu.

 

Nous voici donc au seuil d'une grande étendue inexplorée, d'une superficie double de l’État du Texas et habitée par des tribus indiennes au caractère primitif et dont la férocité guerrière a tenu les Blancs en échec pendant plus de deux siècles. »

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Fawcett explique ensuite comment il compte procéder pour s'entendre avec les Indiens :

« Et pourtant, il faut que nous organisions avec ces indigènes farouches une manière d'entente cordiale [...].

 

Nos méthodes doivent s'adapter à leurs croyances superstitieuses. Entre toutes, il en est une que nous retiendrons : leur révérence traditionnelle pour la lumière mystérieuse. Ce sont les batteries électriques dont nous sommes richement équipés qui doivent faire de nous, à leurs yeux, des êtres surnaturels, possédant une puissance supérieure à la lumière elle-même. »

S'ensuit une description des terribles conditions d'avancée de l'expédition :

« Toujours harcelés par les tiques, éprouvant d'heure en heure de nouvelles difficultés, perdant quelques-uns de nos animaux qui tombaient au fond des précipices que nous longions, nous parvînmes enfin, après un long détour, au Paranatinga [...].

 

Le Paranatinga, traversé au moyen d'une barque que mon fils Jack, à la nage, alla quérir sur l'autre rive, il ne nous restait à franchir qu'une distance de six milles pour atteindre le fort. Mais quel terrain ! Un espace coupé de torrents au cours rapide, au lit boueux, aux rives abruptes. »

Le message suivant, daté du 22 mai, revient sur les contacts difficiles avec les tribus indiennes :

« Cette contrée inconnue contient plusieurs douzaines de tribus. Certaines d'entre elles sont cannibales, les autres ont des coutumes presque aussi déplaisantes, comme par exemple de vous briser une jambe et de vous demander ensuite qui vous êtes et ce que vous désirez. Toutes ces tribus considèrent le banditisme comme une profession honorable et le Blanc comme leur ennemi naturel [...].

 

À l'est de Bakairi, il y a les Caiapus, que nous pouvons appeler les lanceurs de bâtons. Leur seule arme consiste, en effet, en une sorte de bâton analogue à celui d'un policeman. Ils s'en servent avec une adresse merveilleuse et peuvent, à une centaine de mètres, briser la jambe de l'imprudent qui s'aventure sur leur territoire. Cela fait, ils rampent jusqu'auprès de leur victime, qu'ils achèvent alors à loisir [...]. »

L'explorateur ajoute :

« Nous serons en vue de notre objectif d'ici un mois environ, et nous l'aurons probablement atteint lorsque cette dépêche sera imprimée. D'ici là, cependant, nous ne pourrons envoyer qu'un seul message, que nous rédigerons à l'endroit même où nos deux guides brésiliens nous laisseront à la merci des cannibales et des sauvages. »

Vient enfin un troisième message, daté du 30 mai :

« Voilà huit jours que nous avons quitté les postes les plus avancés de la civilisation et que nous nous enfonçons peu à peu dans les solitudes inexplorées du Matto-Grosso. L'envoi de cette lettre me coûte des peines infinies, car la région où nous nous trouvons est, à proprement parler, le royaume des insectes [...].

 

Nous avons dû traverser d'innombrables torrents, soit à gué, soit à la nage, soit au moyen de ponts improvisés. Enfin, nous avons escaladé des collines rocheuses d'aspect désolé, et, surtout, nous avons été dévorés par des nuées de punaises.

 

Notre camarade Raleigh Rimell, mordu au pied par un insecte venimeux, marche toujours sans soulier et boîte. Je lui ai donné le conseil de retourner sur ses pas, mais il insiste pour continuer le voyage. Quant à nos deux guides, dont l'énervement augmente à mesure que nous enfonçons plus avant dans le domaine des Indiens redoutés, ils vont nous quitter définitivement [...].

 

Il faut compter encore deux semaines pour atteindre la zone vraiment intéressante, celle qui nous mettra en contact direct avec les Indiens. À ce moment, nous serons en pleine aventure. Je continuerai à rédiger de temps en temps des messages, dans l'espoir de les expédier par l'intermédiaire de tribus amies, mais je me demande si ce sera possible. »

Ce seront les derniers mots connus de Percy Fawcett. Après cette ultime missive, plus rien, comme l'expliquera Le Petit Parisien un an plus tard :

« Depuis lors, silence absolu. Toutes les conjectures sont donc permises, même les plus pessimistes.

 

Les explorateurs ont-ils été victimes de tribus qui passent pour les plus farouches du monde et qui, d'ailleurs, jusqu'ici, ont tenu les Blancs en échec, exterminant jusqu'aux expéditions armées qui ont tenté de violer leur domaine ?

 

Ont-ils succombé à des accès de fièvre pernicieuse, à des piqûres d'insectes ou à des morsures de serpents venimeux ? »

En 1928, une expédition dirigée par le commandant Dyott se lance à la recherche de Fawcett et ses compagnons, mais sa progression est rendue, elle aussi, extrêmement difficile par l'hostilité des Indiens. Munie de la T.S.F., elle envoie toutefois ce message désolé le 18 août, depuis un camp dans la jungle :

« J'ai le regret de vous faire connaître que l'expédition Fawcett a été massacrée tout entière par des Indiens hostiles, en juillet 1925, cinq jours après avoir traversé le Kuleene, affluent du Xingu.

 

Au prix des plus terribles épreuves, nous avons pu suivre les traces de Fawcett et retrouver les Indiens qui l'accompagnaient. Ils nous ont indiqué l'endroit où l'explorateur avait été enterré, mais l'hostilité d'une tribu sauvage nous a empêchés de nous y rendre.

 

Nous avons beaucoup souffert et notre situation actuelle est encore extrêmement pénible. Nos vivres sont presque épuisés et la plupart de nos hommes sont atteints par la fièvre. Nous allons redescendre en hâte le Xingu pour échapper aux tribus sauvages qui sont prêtes à nous faire subir le même sort qu'au colonel Fawcett. »

Au cours des années 1930, d'autres expéditions tenteront de les retrouver. Certaines ne reviendront jamais. Aujourd'hui, on ne sait toujours pas avec certitude ce qui est arrivé aux disparus de 1925.

 

La figure de Percy Fawcett fascinera de nombreux auteurs de fiction. Arthur Conan Doyle, qui était son ami, s'inspirera de son expédition dans les collines de Ricardo Franco en Bolivie pour écrire Le Monde perdu. Hergé s'inspirera de lui pour créer le personnage de l'explorateur Ridgewell dans l'album de Tintin L'Oreille cassée. Le diptyque Les Sept Boules de Cristal - Le Temple du soleil compte lui aussi de nombreuses réminiscences des expéditions sud-américaines du Britannique.

 

James Gray consacrera un film à Fawcett en 2017, The Lost City of Z. Mais le descendant fictif le plus illustre de l'aventurier tragiquement disparu reste sans doute... Indiana Jones, le célèbre héros des films de Steven Spielberg.

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