Dès l’Antiquité, un phénomène aussi fugitif qu'impressionnant est signalé par de nombreux témoins, en plusieurs points du globe : des boules lumineuses apparaissent soudainement dans le ciel, flottent dans l’air et se déplacent pendant quelques secondes avant de s’évanouir ou d’exploser.
Certains témoignages de personnages historiques sont restés dans les annales : en mars 1557 par exemple, lors de la nuit de noce de Diane de France et François de Montmorency, une flamme éclatante pénètre par la fenêtre, visite tous les coins de la chambre et vient tourbillonner autour des nouveaux mariés, avant de mettre le feu au linge et à la toilette de Diane... et de s'en retourner par la fenêtre comme elle était venue.
D’autres témoignages, plus récents, sont rapportés par la presse des XIXe et XXe siècles.
En 1852, Le Journal des Débats recense ainsi les derniers troublants récits relatifs à ce que l'on nomme désormais la « foudre en boule » :
« C'est d'abord une dame nommée Espert qui raconte fort nettement ce qu'elle vit en 1849, à six heures et demie du soir, au plus fort du choléra. La température était suffocante ; elle vit, en regardant à la fenêtre, un gros ballon rouge tel qu'apparaît quelquefois la lune, colorée et grossie à travers les vapeurs de l'horizon. [...]
Il parut s'enflammer par en bas, et brûla lentement à la manière d'un morceau de papier, avec émission de petites étincelles et flammèches. Puis survint tout à coup une détonation effroyable, qui brisa le météore en éclats, et en fit jaillir une douzaine de rayons de foudre en zigzag qui allèrent en divergeant de tous côtés, et dont l'un vint frapper une des maisons de la cité, le n° 4, où il fit un trou dans le mur comme l'aurait fait un boulet de canon ; ce trou existe encore. [...]
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Une autre apparition de foudre globulaire remonterait à l'année 1841, et aurait été vue par un peintre de marine de l'impératrice d'Autriche, M. Butti. Un orage éclatait au-dessus de la ville, avec accompagnement ordinaire de tonnerre, d'éclairs et de torrents de pluie. Notre artiste fumait philosophiquement son cigare à la fenêtre [...].
Tout à coup des cris d'admiration se font entendre dans la rue : Guarda ! guarda ! (regardez, regardez). C'était encore une fois le tonnerre qui se promenait majestueusement en boule dans l'espace. Sa démarche était si lente et sa durée fut telle, que l'auteur de la lettre eut le temps de descendre, de sortir et de retrouver le météore, qui s'était élevé et se dirigeait vers la croix du clocher de l'église Dei Servi; il l'atteignit bientôt et disparut à l'instant. Sa disparition fut accompagnée d'un bruit sourd comme celui du canon entendu à grande distance. [...]
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Un chef de bureau au ministère de l'Intérieur, M. Meunier, raconte un cas plus récent d'une double apparition de foudre en boule observé dans un très court espace de temps. Le phénomène eut lieu dans la rue Montholon pendant le courant du mois de juin dernier, vers onze heures du soir. Tout à coup, au milieu de la lueur immense d'un éclair, il sembla voir une grosse bombe lancée avec violence, qui éclatait avec fracas au milieu de la voie publique. Cette fois encore le globe est comparé à la lune qui semblait se détacher du ciel. [...]
Cet accident n'eut d'autre suite qu'un dérangement momentané des facultés digestives. »
En 1859, la foudre en boule frappe en banlieue parisienne, rapporte Le Journal des Débats, qui donne tous les détails relatifs à l'affaire :
« La maison de la rue de Vanves n° 7 a été visitée mardi dernier, à minuit dix minutes, par une foudre en boule qui a commencé par détruire une cheminée ; puis le globe de feu est entré dans une chambre située sous les tuiles.
Après avoir cassé un verre à pied et quelques soucoupes de porcelaine et avoir fait de nombreux dégâts, la boule lumineuse à parcouru la chambre en se tenant toujours en haut de la pièce et au-dessus du lit sans rideaux où étaient couchés un père et une mère, qui n'ont eu eu aucun mal. À côté leur enfant, dans son berceau, a vu le météore et a crié à sa mère : Du feu ! du feu !
Au sortir de la chambre, la foudre a brisé les vitres et les panneaux de la fenêtre. Elle n'est point entrée dans une pièce voisine où couchaient un enfant plus âgé et son grand-père. »
En 1872, c’est dans l’Oise que la foudre en boule fait des ravages, comme s'en fait l'écho, à nouveau et toujours dans les moindres détails, Le Journal des Débats :
« Le 12 juillet, vers sept heures du soir, la femme Dumontier venait de rentrer chez elle pour faire son ménage, quand sa mère s'écria : “Mon Dieu ! quel coup de tonnerre !” La foudre venait de tomber sur la maison, et elle aperçut une boule de feu de la grosseur d'un œuf qui brûlait sur le lit.
La femme Dumontier essayait de l'éteindre, mais voyant qu'elle ne pouvait y réussir, elle songea à sauver sa pauvre vieille mère. Arrivés dans la cour, elle appela au secours. Son mari monta sur le toit pour arrêter les progrès de l'incendie, ce fut inutile ; la maison et les bâtiments de décharge furent consumés avec les fourrages que contenaient les greniers.
Le feu ne tarda pas à atteindre les habitations voisines, qui furent également détruites, malgré les efforts de nombreux travailleurs et la présence sur le lieu du sinistre des pompes de Saint-Quentin et de Bazancourt. La perte est évaluée à 13 800 fr. »
« Boule de feu descendant dans une habitation », par le Dr. G. Hartwig, Londres, 1886 - source : Domaine Public
Malgré ces nombreux témoignages concordants, les scientifiques se refusent à croire au phénomène. Ainsi, rapporte le directeur de l’Observatoire de Bourges en 1933 :
« En 1890, l’honorable M. Mascart, alors directeur du bureau central météorologique, s’inscrivait en faux contre l'opinion du public et, à la même époque, on vit un professeur de l’Ecole normale supérieure de Paris traiter d’illusion d’optique les témoignages cependant fort nombreux de ceux qui avaient vu le “tonnerre en boule” ».
Pourtant, au début du XXe siècle, des tentatives d'explications scientifiques commencent à voir le jour :
« M. Mathias [professeur à la faculté de Clermont-Ferrand], reprenant la question, a montré qu’en fait la condensation porte sur tous les gaz de l’air, y compris la vapeur d'eau et les particules métalliques qui s’y trouvent en suspension.
La foudre en boule affecte des grosseurs très variables qui oscillent entre 5 et 30 centimètres de diamètre. M. Mathias a calculé que, pour un diamètre de 20 centimètres, l'énergie libérée peut être évaluée à 11 millions de kilogrammètres pour le moins. C'est dire que l’explosion d’un tel engin peut opérer, en un instant, les plus formidables ravages. »
Si les doutes sur l’existence même de la foudre en boule sont donc totalement levés dès le début du XXe siècle, le phénomène reste très mal connu et compris, comme en témoigne Le Journal en 1943 :
« Faut-il croire, avec M. Mathias, que les sphères enflammées possèdent un potentiel propre de 10 000 volts, ou devons-nous les considérer comme un des rares explosifs créés par la nature, mille fois plus dangereux que le “gaz des marais” ou le grisou des mines ?
Un fait paraît certain, c'est l'existence objective du phénomène. »
En 2006, la foudre en boule a pu être recréée en laboratoire pour la première fois, quoique la science ne soit jamais parvenue à éclaircir totalement le mystère de ce troublant phénomène.
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Pour en savoir plus :
Sean Bailly, Le spectre de la foudre en boule, 2014
Pierre Barthélémy, L'énigme de la foudre en boule enfin résolue ?, 2012
Ecrit par
Marina Bellot est journaliste indépendante, diplômée de l'Ecole de journalisme de Sciences Po. Elle a co-fondé en 2009 Megalopolis, un magazine d'enquêtes et de reportages sur la métropole parisienne, qu'elle a dirigé pendant trois ans. Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages pédagogiques à destination des adolescents et a co-écrit une biographie de Jean-François Bizot, L'Inclassable, parue chez Fayard en 2017.