Écho de presse

1895 : Les funérailles nationales de Louis Pasteur

le 27/07/2021 par Arnaud Pagès
le 20/07/2021 par Arnaud Pagès - modifié le 27/07/2021

Père de la microbiologie, inventeur de la pasteurisation et du vaccin contre la rage, Pasteur s'éteint le 28 septembre 1895. La France perd le plus brillant de ses scientifiques.

Chimiste de formation, né en 1822 dans une modeste famille de tanneurs à Dole dans le Jura, Louis Pasteur est à l'origine d'une révolution en profondeur, comme nulle autre auparavant, de la biologie et de la médecine.

Très populaire suite à la mise au point en 1885 du vaccin antirabique qui permet de prévenir la rage, un fléau occasionnant de très nombreux décès dans les campagnes au XIXe siècle, les dernières années de sa vie seront pour lui l'heure de la consécration.

Il est en effet élu secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, siège à l'Académie de médecine, et reçoit l'adhésion des plus brillants chercheurs de son époque à ses travaux sur les microbes, les virus et les bactéries.

Mais en 1887, après une vie de labeur consacrée à la recherche, au cours de laquelle il ne s'est jamais ménagé, Pasteur, alors âgé de soixante-cinq ans, fait plusieurs attaques d'hémiplégie, qui le laissent très affaibli. En 1888, après une nouvelle hémorragie cérébrale, il décide de mettre un terme à sa carrière, sa santé déclinant de plus en plus, pour prendre une retraite bien méritée. Il s’installe alors dans un appartement aménagé pour lui à l'Institut Pasteur.

Il vivra ainsi pendant encore plus de dix ans, ménageant ses forces, recevant ses élèves, l'esprit toujours en éveil.

Le 28 septembre 1895 vers cinq heures du soir, Pasteur est victime d'une nouvelle attaque dans son domaine de Villeneuve-l'Étang. Celle-ci sera fatale.

Le lendemain de sa mort, Le Figaro fait paraître une tribune de Marcelin Berthelot, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, qui tient de l'éloge plus que de la nécrologie, et qui permet de toucher du doigt l'influence énorme qu'aura eue Pasteur sur la médecine et les sciences de son époque :

« Pasteur vient de mourir : une des grandes lumières du XIXe siècle s'est éteinte.

Notre devoir à nous, qui avons été mêlés à sa destinée scientifique, c'est d'apporter notre témoignage le jour sacré de ses funérailles. Déjà l'admiration et la reconnaissance publiques ont célébré son septuagénaire, et il est entré vivant dans cette apothéose, que la jalousie des dieux accorde à si peu parmi les humains, et seulement près du terme ou ils vont disparaître.

Pasteur, Renan, Victor Hugo, ce sont peut-être les trois figures qui ont jeté le plus vif éclat de notre temps, dans l'ordre des choses de l'esprit ! »

Dans son édition du matin, datée du 30 septembre, La Petite Gironde, comme de nombreux autres quotidiens régionaux, rend également hommage au grand homme grâce à la plume d'Émile Bourbon :

« La France vient de perdre une de ses gloires : M. Pasteur est mort hier, à cinq heures du soir, succombant aux suite d'une affection du cœur.

L'homme qui disparaît, en pleine vigueur d'intelligence et en pleine force de production, n'était pas seulement un de ces savants dont une nation s'enorgueillit et dont un siècle s'honore, il a été encore, et par-dessus tout, un grand bienfaiteur de l'humanité, le plus grand peut-être qui ait jamais existé.

Tous ses travaux, toutes ses découvertes, ont eu pour but et pour conséquence l'amélioration des conditions matérielles ou physiologiques de l'existence humaine. »

L'évènement est de grande ampleur et sa disparition n'affecte pas seulement le monde scientifique, mais les couches sociales qui composent la société française, des plus riches aux plus humbles. Le père de la microbiologie va avoir droit à des obsèques nationales, dix ans après celles de Victor Hugo [voir notre article].

La Gazette de Château Gontier écrit un panégyrique dans son édition du 3 octobre 1895, en insistant – peut-être un peu trop – sur le caractère religieux de l’homme de science :

« Pasteur est mort samedi soir, à cinq heures. La France perd en lui un de ses plus géniaux enfants, et la science un de ses maîtres les plus éminents. Ce travailleur, sorti des rangs du peuple, fut un grand croyant, et sa fin comme sa vie a été chrétienne.

La France fera des funérailles nationales à cet homme de bien qui honora son pays par ses découvertes […].

La mort de Pasteur met la patrie en deuil. Les agriculteurs, en particulier, n'oublieront pas, dans leur souvenir devant Dieu, le bienfaiteur dont les patientes recherches ont tant contribué à préserver de terribles fléaux l’humanité... »

Des témoins raconteront que les passants chantaient, émus, au passage du cortège funéraire. Le 6 octobre, jour de son enterrement, Gil Blas livre le récit de la cérémonie avec un texte sobrement intitulé « Les funérailles de Pasteur ».

« Elles ont été précédées d'une longue veillée funèbre qu'ont faite, autour du cercueil, non seulement les parents du maître, ses disciples préférés, ses collaborateurs de tous les jours dans la maison qui porte son nom, mais le peuple même de Paris.

Des milliers et des milliers de petites gens ont défilé devant la dépouille de Pasteur recueillis, silencieux, pleins de ce respect que la mort inspire toujours à Paris […].

Les funérailles de Pasteur ont ému l'âme populaire, tout comme celles d'un glorieux soldat, d'un politique dévoué à la cause du peuple, d'un poète, enfant gâté de la foule et de la gloire.Ni Victor Hugo, ni Gambetta, ni Mac Mahon ne sont allés au lieu de leur repos environnés de plus de regrets et de plus de sympathies que ce savant. »

Lors de la cérémonie en la cathédrale Notre-Dame de Paris, Raymond Poincaré,  alors ministre de l'Instruction publique, aura pour Pasteur ces mots, prononcés avec beaucoup d'émotion devant une foule très nombreuse : 

« La France, que vous avez tant aimée, gardera fièrement, comme un lien national, comme une consolation, comme une espérance, votre souvenir vénéré. »

Conformément à ses dernières volontés, Louis Pasteur repose dans une chapelle construite dans l'enceinte même de l'Institut qu'il avait fondé et qui n'a pas cessé, depuis sa disparition, de faire progresser la recherche scientifique et la médecine.

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