Chronique

Les émigrés russes et la diffusion des « Protocoles des Sages de Sion »

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Le général de l'«armée blanche » Anton Dénikine accueilli par sa garde d'officiers à Rostov-sur-le-Don, 1919 - source : WikiCommons

Tandis qu’éclate la guerre civile à la suite de la Révolution d’Octobre, nombre de Russes tsaristes se réfugient en Europe de l’Ouest. Ces « Russes Blancs » antibolchéviques vont alors participer activement à la propagation du célèbre pamphlet antisémite.

Avec la Révolution d’Octobre et le début de la guerre civile en Russie, les opposants au nouveau régime bolchévique, monarchistes connus sous l’expression de « Russes Blancs » – indépendamment du fait qu’ils aient ou non participé activement aux armées blanches ou à la guerre civile russe – fuient le conflit et se réfugient en Occident, emmenant dans leurs bagages un faux devenu célèbre, Les Protocoles des Sages de Sion.

Ce texte, écrit en 1901 par Mathieu Golovinski, un informateur de l’Okhrana, la police secrète tsariste, est supposé être la publication d’un programme conçu par des « sages juifs » en vue de détruire les nations et la chrétienté et dominer le monde.

Les Protocoles des Sages de Sion furent édités en 1905 par un mystique orthodoxe russe, Serge Nilus (qui le réédita en 1911 et en 1917), qui voyait dans ce plan une action de l’Antéchrist. Henri Ford et le comte völkisch Ernst Zu Reventlow, nazi historique et militant païen, admiraient Serge Nilus. Le premier envoya des livres au mystique tandis que le second a aidé son fils à fuir la Russie en guerre et à s’installer en Allemagne en 1918-1919.

À partir de 1917, l’image mystique du Juif en tant qu’incarnation du Mal, s’enrichit d’une nouvelle, liée au contexte russe. En effet, durant la guerre civile, l’ouvrage est largement diffusé par le gouvernement du général Anton Denikine au sein des troupes blanches. Les actions antisémites étaient tolérées dans ces corps d’armée, les Juifs étant souvent dans ce contexte assimilés aux bolchéviques.

C’est ainsi, les Protocoles ont joué un rôle important dans les pogroms d’Ukraine et de Biélorussie, d’une extrême violence, entre 1918 et 1922 (125 000 en Ukraine, 25 000 en Biélorussie), la pire année étant sans doute 1919 :

« Un israélite connu, qui a pu s’échapper de l’Ukraine et arriver à Varsovie, a rapporté que les Juifs de Karkow n’ont pu échapper...

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