Chronique

Archiver le sang versé : la naissance des « musées du crime »

le par

Jean Henry Marlet: La Morgue, extrait des Tableaux de Paris, Musée de la Préfecture de Police, Paris - source : WikiCommons

Le musée criminel, d’abord réservé à quelques professionnels du métier au cours du XIXe siècle, élargit largement son public au début du XXe. Comment cette fascination populaire pour le morbide et « l’horreur à bas prix » s’est-elle peu à peu affirmée ?

En 1890, M.G. Macé, chef de la sûreté parisienne, publie un ouvrage intitulé Mon musée criminel, composé d’une galerie de portraits de criminels de toutes sortes, romancés à la manière d’un polar. En première ligne pendant l’instruction, l’auteur profite de sa position pour se procurer divers objets sortis du protocole judiciaire une fois l’affaire jugée. Il se crée ainsi, au fur et à mesure de ses années d’expérience professionnelle, un véritable musée privé :

« M. Macé, durant son séjour à la sûreté, a eu l’idée d’acheter, pour son musée, les pièces à conviction qui passent ordinairement de la Cour d’Assises au dépôt du matériel et de l’État, et, de là, chez les brocanteurs à qui elles sont vendues aux enchères. Il s’est procuré ainsi, nous dit-il, les marteaux (...), couteaux (...), le bâillon (...), etc. et les crânes défoncés, raclés, et vernis de quelques-unes de leurs victimes. »

L’ouvrage bénéficie d’un accueil mitigé de la part de la presse, qui se permet rarement une réelle critique de l’œuvre pour se contenter d’une annonce de publication, mais quand elle se le permet, se révèle acerbe :

« Est-ce curieux ? Toutefois. Est-ce écœurant ?

Souvent. (...) Il y a, dans tous les livres de M. Macé, un goût de mélodrame et d’horreur à bas prix qui arriverait à m’en faire suspecter la documentation si, le plus souvent, l’auteur ne se bornait à copier un rapport d’agent, un récit de journal, une déposition. On craint toujours qu’il ne fasse la toilette de ces crimes, comme on fait celle des cadavres exposés à la Morgue. (...)

Il accommode ces restes de crimes pour les estomacs pas difficiles. »

Si l'archivage judiciaire est systématique et de ...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.