Chronique

Berty Albrecht dans les années 1930 : un combat pour « la réforme sexuelle »

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Portrait de Berty Albrecht à la suite de son arrestation en tant que résistante, 1943 - source : Archives départementales du Cantal

Compagne d’Henri Frenay avec qui elle fonde Combat, Berty Albrecht s’est engagée, avant la guerre et la Résistance, dans une autre cause : celle de la « réforme sexuelle ». Elle y défend l’éducation sexuelle des jeunes, le droit à la contraception, la reconnaissance du célibat des femmes.

De Berty – ou Bertie – Albrecht, on connaît principalement les activités de résistante, celles d’une femme qui, compagne d’Henri Frenay dès avant la guerre, retrouve ce dernier en décembre 1940 et contribue avec lui à la fondation du mouvement (et titre de presse) Combat, avant d’être arrêtée, puis de se pendre à la prison de Fresnes, le 31 mai 1943.

Centrés sur ce moment épique, les hommages qui lui ont été rendus après la guerre n’évoquent qu’à mots couverts son parcours antérieur, à l’exemple de celui que développe son cousin germain, Pierre Grosclaude, lui-même ancien résistant, dans L’Événement du 6 avril 1946 :

« Elle se mêla au mouvement féministe où elle occupa une place d’avant-garde, elle combattit pour certaines idées hardies et s’attacha à discréditer certains préjugés tenaces ; on la vit dans divers Congrès internationaux, à Brno, par exemple.

Elle fut également attirée par la grande expérience soviétique et fit un voyage d’études en Russie, où elle envisagea particulièrement les solutions données aux questions touchant l’enfance, l’hygiène, la maternité ».

Pudeur de l’homme, moralisme de l’époque ? Rien n’est précisé de ces « idées hardies », et les domaines d’intervention prêtés à Berty Albrecht – enfance, hygiène, maternité – sont ceux classiquement attribués aux femmes.

C’est pourtant sur un terrain plus neuf et audacieux que s’était aventurée, dans l’entre-deux-guerres, cette femme à bien des égards exceptionnelle : celui de la « réforme sexuelle », c’est-à-dire un changement d’approche de la gestion des corps et des désirs, impliquant l’éducation sexuelle des jeunes, le droit à la contraception et à l’avortement, la reconnaissance de l’union libre et du célibat des femmes, la promotion, aussi, des pratiques eugénistes, mais avec l’ambition progressiste de mettre un terme aux maladies endémiques telles que la tuberculose ou la syphilis. Le tout à une époque où toute propagande néo-malthusienne tombait, en France, sous le coup de la loi d’août 1920.

Cette implication militante a été d’autant plus remarquable que Berty Albrecht venait d’un milieu bourgeois qui ne semblait pas la prédisposer aux audaces féministes ou libertaires. Née Wild, à Marseille, le 15 février 1893, dans une famille de la bourgeoisie protestante, elle manifesta très tôt, rappelle son cousin, « un ardent désir d’indépendance », qui la fit gagner la Suisse pour un séjour en pensionnat, puis Londres, à l’âge de 16 ans, pour travailler dans un établissement scolaire. À 19 ans, elle obtenait un diplôme d’infirmière, qu’elle sut mettre à profit pendant la guerre, au sein de la Croix-Rouge.

C’est aussi pour échapper à l’emprise familiale qu’elle fit le choix d’épouser, en décembre 1918, un Allemand d’origine, plus tard naturalisé néerlandais, qui avait fait sa vie ...

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