Écho de presse

Années 1940 : Gare aux zazous !

le 10/11/2018 par Marina Bellot
le 27/06/2017 par Marina Bellot - modifié le 10/11/2018
Illustration : Le Petit Parisien 23 septembre 1942

Dans les années 1940, les zazous affichent leur amour du jazz et défient les autorités, tandis que la presse dénonce les agissements de ces jeunes « voyous ».

Cheveux longs quand l'heure est aux crânes rasés des militaires, vêtements trop longs à une période où le tissu est rationné, parapluie fermé toujours à la main pour montrer qu'ils ne se prennent pas au sérieux... Ces jeunes gens provocateurs, bientôt surnommés zazous, apparaissent dans les rues de Paris à la fin des années 30 et fleurissent pendant l'Occupation. Pour la plupart issus de familles aisées, ils revendiquent leur amour du jazz et leur défiance vis-à-vis des autorités.

La presse locale comme nationale (acquise à la cause de Pétain ou sous le joug de la censure) fait régulièrement ses choux gras de ces nouveaux "voyous" dont elle dénonce l'attitude et les mœurs.

En 1942, Le Journal instruit ses lecteurs sur les "origines réelles" des zazous : 

"Zazou vient du cri ou plus exactement du mot qui revient le plus souvent dans la conversation de cet animal [le zabu]. Contrairement à l'opinion généralement répandue, le zazou n'est pas un spécimen né depuis l'armistice. M. André Cœuroy, musicologue et le plus érudit des historiographes du jazz en fait remonter la venue au monde à 1935, époque vers laquelle le jazz « straight » étant délaissé et le « hot » accueilli avec de moins en moins de chaleur, s'épanouit le « swing » formule où chaque partenaire de l'orchestre jazz peut, à tour de rôle et en s'en écartant parfois beaucoup, arranger le thème général. [...]

ll s'habille d'un veston fort long, d'un pantalon tenu haut au-dessus de la cheville moulée de blanc, etc. Elle a le réticule en bandoulière, des souliers plats, les cheveux dressés sur le front et tordus en chignon plat. [...] On leur prête à tort ou à raison des opinions originales et leurs ennemis affirment que leur doctrine (à la vérité obscure) se résume par ce slogan « Pour une France swing dans une Europe zazou »."

Et le quotidien de se féliciter d'une "chasse au zazou" qui a eu lieu sur les Champs-Élysées :

"[...] Le public ne pourra qu'applaudir aux râfles opérées avec succès dans les établissements des Champs-Élysées où le zazoutisme, en même temps que les boissons prohibées, coulait à pleins bords.
La chose s'est accomplie fort rapidement et selon les meilleures traditions."

 

En 1944, Le Petit Troyen appelle à "faire cesser les agissements des zazous" :

"N’est-il pas révoltant de voir de jeunes pitres efféminés se trémousser à longueur de journée dans les bars clandestins ou flâner sur les boulevards de la capitale, alors que seule la classe ouvrière doit supporter le poids des sacrifices consentis par notre pays pour écraser le Bolchevisme ? N’est-il pas révoltant de voir les airs provocants de ces jeunes adeptes du marché noir qui n’ont jamais rien fait de leurs dix doigts et qui se rient des « pauvres types », comme ils disent... qui travaillent actuellement en Allemagne pour forger les armes qui assureront la victoire de l’Europe ?"

Voix légèrement discordante dans ce concert d'indignations, le journaliste Roger Deleplanque relativise dans Le Petit Marseillais :

"Nous avons tous eu vingt ans (beaucoup d’entre nous, en tout cas). N'avons-nous pas cédé, en ces jours regrettés, à telle mode excentrique ? N'est-ce pas le propre de la Jeunesse que d'aller à l’excès ? [...] Le zazou et la zazoue de maintenant seront dans dix ans — à de bien rares exceptions près, soyons-en certains — des pères et des mères de famille, d’excellents Français et Françaises. Il leur arrivera de méditer sur leurs vestes trop longues et leurs jupes trop brèves des années de la défaite. Et ils interrogeront à leur tour l’avenir. Et la terre continuera de tourner."