Écho de presse

Reloger les habitants des taudis ? Oui, à la campagne

le 29/09/2019 par Marina Bellot
le 20/09/2017 par Marina Bellot - modifié le 29/09/2019
Logement insalubre au 23 rue Bouret, 19e arrondissement de Paris ; Agence Rol ; 1913 - source : BnF-Gallica

Au cours des années 1920, alors que Paris connaît une crise du logement sans précédent, l'idée de déplacer les « mal lotis » dans les champs fait son chemin.

« Insuffisance de surface habitable par personne ; médiocrité des ouvertures sur le dehors ; absence de soleil ; vétusté et présence permanente de germes morbides ; absence ou insuffisance des installations sanitaires ; promiscuité. » Ainsi Le Corbusier décrivait-il les taudis qui se multiplient en France dès le début du XXe siècle. 

Paris et les banlieues populaires, en particulier, se couvrent pendant l'entre-deux-guerres d’une marée de lotissements insalubres. Face à ce fléau, l'idée de loger les « mal lotis » à la campagne fait son chemin. En 1926, un éditorialiste prend la plume dans Le Rappel pour défendre un « exode vers la lumière, la propreté et la santé ».

Jean Sylvestre dresse d'abord l'accablant constat :

« XIIIe arrondissement, population mal logée : 568,6 pour 1000, mortalité par tuberculose : 468 pour 100.000. IVe arrondissement (quartier de l'Hôtel de Ville), population mal logée : 470 pour 1000, mortalité par tuberculose, 425 pour 100.000. Saint-Ouen, population mal logée : 622,9 pour 1000, mortalité par tuberculose, 540 pour 100.000. [...] Contraste ! Quartier des Champs-Élysées, mortalité par tuberculose : 92 pour 100.000.

Il faudrait ajouter aux chiffres concernant la tuberculose ceux des décès dus aux maladies de la première enfance. 80% des nouveau-nés sont emportés au cours de leur première année. On naît beaucoup dans les taudis ; on y meurt presque autant, c'est une constatation qui ne date pas d'hier. »

« Il fallait 47 000 logements en 1920. Il en faut peut-être 60 000 aujourd'hui », poursuit l'auteur. Mais voilà, Paris, déjà surpeuplé, manque cruellement de place. Alors Jean Sylvestre prend l'exemple de Londres, où un modèle de logement s'est particulièrement développé : la cité-jardin. Voilà qui résoudrait la crise du logement parisienne, juge l'éditorialiste :

« [...] la cité-jardin — voyez donc en passant celle d'Arcueil, allez voir celle de Chauny, sur le réseau du Nord — avec ses maisons claires, son lopin de terre que l'on cultive, crée entre tous ses occupants la plus heureuse émulation. Un peu plus ou un peu moins sale dans un taudis, qu'importe ? Un peu plus propre, un peu mieux ordonné que chez le voisin, dans la cité-jardin, c'est affaire d'orgueil.
Et les beaux enfants qui y poussent au grand air
 ! M'est-il donc permis de conseiller à ceux que, comme moi, la question des taudis préoccupe, de réclamer pour tous leurs habitants, non pas des maisons dans la ville, mais des chaumières au-delà de ses anciens remparts ? Les hygiénistes qui conseillent, les repopulateurs qui ne savent que se lamenter, devraient aider les journalistes à réaliser cet exode vers la lumière, la propreté et la santé. »

Face à l'ampleur du scandale des mal-lotis, l'État réagira en 1928 avec deux lois : la loi Sarraut qui permettra de faire financer des aménagements comme le réseau de voirie, et la loi Loucheur qui aboutira à la construction de 126 000 logements en accession à la propriété et de 60 000 logements en locatif.

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Une enquête sur le logement des familles nombreuses à Paris
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