Écho de presse

Bellacoscia, légendaire bandit corse

le 04/11/2019 par Marina Bellot
le 31/01/2018 par Marina Bellot - modifié le 04/11/2019
Illustration : Antoine Bonelli, dit Bellacoscia, bandit d'honneur, Bocognano, Corse - source : Collection Ucciani-Wikicommons

Pendant près de quarante ans, Antoine Bonelli, dit Bellacoscia, a tenu le maquis. Un bandit d'honneur aux multiples crimes, qui a fasciné la presse française.

Allure patriarcale, visage buriné, regard doux et barbiche blanche : Antoine Bonelli, dit Bellacoscia, est le bandit corse tel qu'on se l'imagine. Au XIXe siècle, il est même le bandit le plus célèbre de France. 

Son surnom de Bellacoscia, « belle cuisse », lui vint de son père, un berger connu pour sa vigueur avec les femmes : il eut pas moins de 24 enfants. L'un d'eux, Antoine Bonelli donc, naît en 1817 à Bocognano. Son premier crime date de 1848 : il séquestre et tue un adjoint au maire qu'il avait pris pour le maire lui-même et avec qui il était en froid – ce dernier refusait de lui donner la main de sa fille.

Pour échapper à la justice, Antoine Bonelli prend le maquis près de Bocognano. Là, dans son repaire de la Pentica, il reçoit pendant des années des personnalités de marque, artistes et hommes politiques. 

Le poète Clovis Hugues raconte d'ailleurs dans Les Annales politiques et littéraires sa rencontre avec le bandit et son frère – pittoresque rencontre au sommet d'un rocher, sous le soleil de plomb corse : 

« À mesure que je montais, l'horizon s'élargissait, les deux bandits m'apparaissaient plus distinctement. Ils étaient debout, appuyés sur leur carabine, dans l'incendie du soleil.
– Halte
 !
J'étais tombé sur un quartier de roche, essoufflé. Déjà, les Bellacoscia m'entouraient.
– Une petite goutte d'eau-de-vie, hein
 ?
L'un d'eux avait déboîté d'une espèce de gourde un gobelet d'étain qu'il me fourrait entre les dents. Je lampai l'eau-de-vie. Après quoi, je me sentis singulièrement gêné
 ; car on ne se trouve pas tous les jours en compagnie d'une paire de bandits et de leur neveu, à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la civilisation.
– Oh
 ! messieurs, m'écriai-je afin de dire quelque chose, vous avez d'ici un bien beau panorama !
L'aîné me passa une lorgnette de marine
 :
– Nous voyons venir les gendarmes de très loin. Tenez, les voilà tout là-bas. [...]
– Vous n'avez rien à faire dire aux gendarmes
 ?
– Si
 ! dites-leur que nous ne leur en voulons pas. Ils font leur métier, ces hommes !
– Vous tireriez tout de même sur eux, s'ils vous embêtaient trop
 ?
– Oh
 ! dans les jambes simplement, monsieur le poète. Vous pouvez le leur dire aussi. »

Pendant des années, les faits d'arme de ce bandit d'honneur s'étalent dans la presse française, qui ne cache pas une certaine fascination, comme Le Petit Parisien qui écrit à propos de lui et de son frère, en 1890 : 

« Rudes bandits, ces Bellacoscia ! Les plus redoutables, certes, que la Corse possède actuellement. [...]

Et voilà plus de trente-huit ans qu'ils mènent la vie errante, sans que jamais les gendarmes aient pu mettre la main sur eux. 

Ils ont été condamnés à mort par contumace chacun quatre fois, et même ils auraient pu être poursuivis plus souvent, mais il semble que les juges se soient, en ces dernières années, lassés de s'occuper d'eux. Il est un peu ridicule, en effet, de condamner si souvent à mort des gens qui continuent à se porter aussi bien. »

Avant de détailler l'impressionnante litanie des condamnations de Bellacoscia : huit au total, dont six à la peine de mort.

« 2 février 1851 (séquestration de personnes), travaux forcés à perpétuité.
16 mars I851 (assassinat), peine de mort.
17 mars 1855 (tentative d'assassinat), peine de mort.
17 mars 1855 (assassinat), peine de mort.
29 août 1857 (rébellion, tentative de meurtre), peine de mort.
10 décembre 1860 (menaces de mort), deux ans de prison.
25 mars 1876 (menaces), deux ans de prison.
7 décembre 1880 (tentative de meurtre sur des gendarmes), peine de mort.
 »

À 66 ans, le 25 juin 1892, la lassitude de sa vie de reclus et, surtout, la promesse de grâce arrachée au président Sadi Carnot, encouragent « Belle cuisse » à se constituer prisonnier. La reddition de l'inarrêtable voyou corse est un événement national. 

Le procès qui s'ouvre le 25 juillet 1892 est symbolique, ses crimes étant prescrits. Et le Président du tribunal a beau être passablement agacé par la réputation romantique dont jouit le vieux bandit  « La presse a porté son nom partout. On l'a élevé sur un piédestal d'où il convient de le faire descendre. La légende doit disparaître pour faire place à la réalité » –, le jury le déclare non coupable, lui interdisant seulement de retourner en Corse.

Peine perdue : il obtient la levée de cette interdiction et rentre sur son île natale, où il meurt quinze ans plus tard, le 23 février 1907, à l'âge de 90 ans. 

Et la presse française de déclarer, un peu vite : « La fin du banditisme corse »

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Madame J. Beaulieu-Delbet
Notes d'un voyage en Corse
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La Corse à vol d'oiseau
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Mateo Falcone
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