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Écho de presse

Le sort innommable de la « femme la plus laide du monde »

Née en 1834 au Mexique, Julia Pastrana dont le visage est recouvert d’une pilosité abondante, devient un monstre de foire. Et même après sa mort, son corps embaumé sera exhibé dans des musées.

Julia PastranaXIXe sièclephénomènes de foirefemme à barbe

Ecrit par

Michèle Pedinielli

Publié le

28 novembre 2018

et modifié le 9 février 2022

Image de couverture

Affiche publicitaire en faveur d'un « spectacle » de la « femme-singe » Julia Pastrana à Londres, circa 1859 - source : WikiCommons

Née en 1834 au Mexique, Julia Pastrana dont le visage est recouvert d’une pilosité abondante, devient un monstre de foire. Et même après sa mort, son corps embaumé sera exhibé dans des musées.

Son lieu de naissance précis étant inconnu, la légende veut que Julia soit née quelque part dans la province de Sinaloa (Mexique) et ait été cachée par sa mère dans une cave pour lui éviter le regard des villageois.

En effet, la petite fille a le corps et le visage entièrement recouvert de poils noirs, souffrant de ce que l’on identifie aujourd’hui comme l’hypertrichose universelle congénitale terminale (CGHT). Julia a huit ans lorsque sa mère décède et selon les sources, il est fort probable que l’orphelinat qui la recueille la vende rapidement à un cirque.

Pendant son adolescence, on la retrouve au domicile de Pedro Sanchez, le gouverneur de la province de Sinaloa. Celui-ci lui donne une éducation et lui apprend à danser et chanter. Dans les médias étrangers, on l’appelle d’ailleurs parfois la « Danseuse mexicaine ».

« […] La fameuse ballerine Julia Pastrana, née à Mexico, et qui eut grande renommée vers 1858, un être intelligent, sensible, malgré sa laideur extrême. »

Le Temps, célèbre « quotidien de référence », en dresse un portrait presque aimable dans ses colonnes, ici consacrées – comme dans Le Siècle – à une étude d’inspiration ethnographique des « monstres » de foires réputés.

« L’histoire ethnographique mentionne encore le cas de la fameuse Julia Pastrana qui possédait une barbe à faire envie à un sapeur de l’ex-garde nationale.

Julia Pastrana, dite la femme ours, était une chanteuse espagnole de l’Amérique du Sud. Elle était très brune, de petite taille et bien proportionnée. Ses cheveux étaient longs, d’un noir foncé, gros comme des crins de cheval et sa barbe, une véritable forêt, envahissait tout son visage.

Le front garni de poils jusqu’aux sourcils, toute la poitrine, les bras, les épaules, les hanches, étaient également velus. Julia Pastrana parlait difficilement : mais elle chantait en espagnol et sa voix ne manquait pas de douceur. »

Car c’est en général avec d’autres qualificatifs que l’on retrouve la description de Julia Pastrana : « effrayante », « repoussante », « monstruosité humaine ». Elle apparaît encore plus singulière qu’une femme à barbe, car son visage et son corps entiers sont recouverts de poils.

Son mari, Théodore Lent, organise ses « tournées mondiales » où l’on se presse pour frissonner de dégoût, de Londres à Saint-Pétersbourg.

« La célèbre monstruosité humaine, appelée Julia Pastrana, nous a enfin honoré de sa visite.

Julia Pastrana est un être singulier qui tient de la femme et du singe, elle est douée d’un visage repoussant et d’une barbe homérique. On demande aux habitants de notre capitale 1 rouble pour voir ce monstre.

Il faut convenir que c'est payer cher pour ne remporter, en définitive, qu’une impression de dégoût. »

Julia Pastrana dégoûte, fascine et intrigue. Y compris les scientifiques du XIXe siècle, qui se pressent pour l’examiner. Charles Darwin lui-même s’interroge ainsi à propos de sa dentition, car la légende dit qu’elle possèderait une double rangée de dents.

« Une danseuse espagnole, Julia Pastrana, mentionnée par Darwin, avait à la fois la face couverte de cheveux et une anomalie analogue dans le nombre des dents. »

D’autres, comme le colonel Duhousset, y voit «  connexité entre les désordres dentaires et les pilosités anormales. »

Toute sa vie, Julia sera exhibée dans des salons, sous la férule de son époux. En mars 1860, elle donne naissance à un enfant atteint de la même maladie qu’elle. Le petit garçon ne survit que quelques heures ;  Julia Pastrana, elle, meurt cinq jours après.

Cependant l’exhibition ne s’arrête pas avec sa mort. Théodore Lent, qui a fait fortune grâce à Julia, fait alors embaumer le corps de la jeune femme et celui du nourrisson afin de les proposer à des galeries anatomiques.

Exhibition du cadavre embaumé de Julia Pastrana ainsi que celui de son nourrisson mort-né, 1860 - source : WikiCommons

Exhibition du cadavre embaumé de Julia Pastrana ainsi que celui de son nourrisson mort-né, 1860 - source : WikiCommons

On retrouve son corps parmi les curiosités de Muséum anatomique, dont « la galerie ethnologique offre le spectacle intéressant et varié des races et espèces principales du genre humain ».

« Citons encore : la Julia Pastrana, colossale négresse-à-barbe, danseuse, morte à Moscou en 1860 ; – les momies égyptiennes, rois et reines authentiques qui dorment depuis 4 000 ans ! »

Théodore Lent ne se contente néanmoins pas d’exploiter le corps de sa femme. Tandis qu’il présente son cadavre au tout-venant, il noue également une relation avec une autre jeune fille souffrant de la même maladie, qu’il baptise « Zenora Pastrana », prétendant avoir retrouvé la sœur de Julia.

L’exhibition aberrante continue – jusqu’à ce que Lent, pris de folie, finisse ses jours dans un hôpital psychiatrique russe.

C’est alors Zenora seule qui reprend la petite entreprise…

« Julia (celle qui est en cire) se montre à peu près nue et tient un enfant dans ses bras.

Zénora (celle qui danse au cirque) revêt un costume d'Ecossaise – très-montant – et ne laisse guère voir au public que la barbe dont la nature, – prodigue envers elle comme envers un sapeur de la garde nationale – s'est plu à orner ses joues rebondies, ses lèvres écarlates et son menton de polichinelle.

Je dis son menton, ses lèvres et ses joues, à seule fin de ne point effrayer mes lecteurs et – surtout – celles de mes lectrices qui pourraient se trouver dans une situation digne d'intérêt.

Mais la vérité est que la signora brésilienne, croisée d'Espagnol et de chinpanzé [sic], a le front, le nez, les paupières et toutes les parties de la face si bien couvertes de poils qu'on prétend, – je n'ose l'avouer toutefois, – qu'elle est réduite à se raser le blanc de l’œil. »

La momie de Julia et de son fils seront montrées dans un « musée » itinérant jusque dans les années 1970, date à laquelle le gouvernement norvégien interdira cette pratique et confisquera les corps.

Il faudra attendre 2013 pour que la dépouille de Julia Pastrana soit rendue au Mexique et enterrée dans l’État de Sinaloa, non loin de son  supposé lieu de naissance.

–

Pour en savoir plus :

Robert Bogan, « Le Commerce des monstres », in: Actes de la recherche en sciences sociales, 1994, via Persée

Hovelacque, « Sur un individu couvert de poils et chez qui les molaires étaient absentes », in: Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, 1878, via Persée

Mots-clés

Julia PastranaXIXe sièclephénomènes de foirefemme à barbe
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Ecrit par

Michèle Pedinielli
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