Écho de presse

Bien se conduire en été selon la presse féminine des années 1920

le 07/09/2019 par Marina Bellot
le 08/08/2019 par Marina Bellot - modifié le 07/09/2019
Danseuses en maillots de bain sur une plage de Deauville 1922 - source : Gallica-BnF

Dans la France des années folles et tandis que les femmes connaissent une première étape de relative libération, la presse féminine abonde en prescriptions concernant les tenues et conduites estivales à adopter.

Quels vêtements emporter dans sa valise, comment se vêtir à la plage, à la montagne ou en excursion ? Être belle, coquette, dans l’air du temps : avec les beaux jours, les injonctions pleuvent sur les lectrices dans la presse féminine des années 1920. Les années folles marquent alors une première et relative libération des femmes et, avant l’arrivée des congés payés en 1936, la haute bourgeoisie connaît, l’été, l’oisiveté sous le soleil et les loisirs.

Alors que Coco Chanel conçoit la célèbre petite robe noire et que les coiffes plumées et strassées s’affichent sur les gravures de mode, comment la presse s’adresse à ces consommatrices de la bonne société ? 

C’est à la première personne, sous une plume féminine, que le 10 juin 1928, La Femme de France, grande publication féminine hebdomadaire, parle aux lectrices

« [...] Combien je comprends que l'on veuille se faire belle pour aller vers la mer.

C'est à mesure d'ailleurs que l'on vieillit que la nécessité de plaire se fait plus âpre et paraît plus légitime. Et j'emploie le mot vieillir dans son sens le moins péjoratif. Le mot grandir serait d'ailleurs plus exact. C'est à mesure que l'on grandit que la coquetterie s'impose comme une courtoisie, comme un devoir mondain.

La mer demande la simplicité. Vous lui plairez si vous adoptez pour les jours frais et gris la vareuse de ratine boutonnée et croisée comme une vareuse d'officier et posée sur une jupe plissée pas trop large. [...] Il faut isoler du corps ce froid si dangereux et un sweater tricoté n'y suffit pas toujours.

Parmi les autres vêtements pratiques, je conseillerais bien, si vous me jurez de ne pas crier au scandale, les grands pantalons de flanelle grise sur lesquels vous passerez un jersey de matelot rayé gris et bleu. Une veste de flanelle grise par là-dessus et vous serez vêtue avec beaucoup de cachet. »

Le 4 juillet 1926, le même hebdomadaire accompagne de gravures de mode aux silhouettes élancées la description de l’ensemble recommandé pour des « excursions ». « Un lainage beige, souple et chaud, donne un manteau élégant autant que pratique qu’avive un chevronnage vert vif », suggère par exemple La Femme de France. 

Des tenues qu’il est bon de savamment penser, bien avant le départ en vacances rappelle La Femme de France, dispensant ses conseils non sans une touche d’ironie :

« Le nudisme est également un excellent moyen pour supprimer le trousseau de vacances. Il suffit d'emporter une ou deux feuilles dans un sac à main, et d'y ajouter les soirs de gala une bête à bon Dieu posée en assassine ».

Nul besoin de maîtriser l’art du décryptage : gare aux étourdies qui n’organiseraient pas leur « trousseau » dès le mois de mai. « [...] pendant les vacances on a l'occasion ou jamais d'user tous les vêtements du reste de l’année », souligne notamment l’auteure de cet article. 

Dans cette même édition, l’hebdomadaire féminin continue de se pencher sur le fameux trousseau, déployant les tenues qu’il convient d’emporter en villégiature.  L’usage du futur fonctionne à la fois comme un conseil et une injonction. 

« Les effets de contraste continueront à fournir le prétexte à divers changements de toilette peu onéreux. On portera une veste rose sur une jupe noire, la veste noire de ladite jupe sur la jupe rose de la veste noire, et ainsi de suite. Enfin, n’oublions pas que les cretonnes imprimées et les mousselines imprimées demeurent une précieuse ressource pendant les vacances. Les cretonnes triompheront pendant la journée, les mousselines auront l'avantage de briller le jour et le soir, tout en ayant l'inconvénient de coûter plus cher. Mais il faut bien prévoir les inconvénients dès qu’on mentionne les avantages. »

Des contrastes certes, mais point d’excès. En 1927, L’Ouest-Eclair souligne qu’une fois la tenue à la mode trouvée, il convient de rester discrète

« Ne vous y trompez pas, il est tout aussi difficile d'être très élégante aujourd'hui qu'hier. Il faut l'être avec une discrétion de bonne compagnie et je crois qu'une femme dont on dit au premier coup d'oeil “Qu'elle est chic” ne l'est pas réellement. C'est à l'examen seulement que tout le raffinement d'une toilette doit apparaître. La barrette trop compliquée d'un soulier, le gant revers brodé, la boucle de ceinture mal assortie suffisent à détruire tout l'ensemble. »

Encore faut-il savoir où partir. En juin 1930, La Femme de France incite ses lectrices mères de jeunes enfants de « moins de 15 ans » à contrôler précisément le choix de l’altitude leur destination : « Il vous faut de préférence choisir une station n'excédant pas 900 mètres ». Sans impératif ni verbe de contrainte la publication écarte néanmoins les femmes de l’activité physique :

« Ainsi, pendant que votre mari, s'il aime grimper, pourra courir la montagne, vous pourrez, vous, à l'ombre des sapins, goûter un agréable repos, sans le souci perpétuel de surveiller et rappeler vos enfants, ce qui les exaspère, et ne leur apprend pas à se débrouiller, et sans avoir à redouter, s'ils vous échappent, de leur voir arriver un grave accident. »

Comment mettre à profit autant de temps libre ? Tandis que les premières feuilles mortes peuvent joncher les jardins avant même la fin de l’été, Les Modes de la femme de France, explique comment concevoir de « jolis coussins » aux « jolies femmes » : 

« Vous avez beaucoup de feuillage dans votre jardin, madame, et aussi du temps puisque ce sont les vacances, pourquoi ne composez-vous pas toute seule de jolis coussins ? Je vais vous aider, si vous le voulez bien. Cueillez quelques feuilles de capucine, platane. [...]

Appliquez la feuille sur le papier, suivez-en les contours avec votre crayon, indiquez les nervures principales et reportez le dessin ainsi obtenu sur un tissu, ensuite bâtissez sur le grand morceau d'étoffe la feuille découpée, cousez les contours, sertissez-les de points quelconques suivant votre fantaisie : chaînette, points lancés, points de Boulogne. Enjolivez par un peu de broderie pour les tiges et vous aurez les plus jolis coussins qu'une jolie femme peut désirer. » 

Quant aux enfants, ils semblent être le prolongement naturel de leur mère. Les injonctions d’élégance pèsent également sur eux - ou plutôt sur leurs génitrices qui choisissent leurs tenues. Ainsi, La Femme de France prodigue des conseils stylistiques aux « ingénieuses et coquettes mamans » : 

« [...] Bien des charmantes coquetteries vous sont permises et votre trousseau de vacances est à l'honneur de vos ingénieuses et coquettes mamans.

À dire vrai, il n'est pas bien difficile, ni même très coûteux, d'habiller aujourd'hui les enfants. Surtout en été, où les cretonnes fleuries et les voiles imprimés sont une si précieuse ressource.

D'abord robes et costumes sont de plus en plus courts ; et ensuite on les veut de plus en plus simples. Volants, dentelles, ornements compliqués sont rigoureusement bannis des toilettes enfantines. Les seules garnitures tolérées sont les festons, plumetis, ganses piquées, broderies au cordonnet ou à la laine, et les piqûres. Tout le reste est coûteux, embarrassant et prétentieux. »

Pour en savoir plus : 

Libération des femmes, les années-mouvement, éditions du Seuil, Françoise Picq, 1993

La mode des années 1920, Charlotte Fiell et Emmanuelle Dirix, éditions Eyrolles, 2014