Écho de presse

L’étonnante vie de Clémentine Delait, fière femme à barbe

le par

Carte postale montrant une Clémentine Delait en promenade, au faîte de sa gloire, en 1918 - source : Imprimeries réunies de Nancy-WikiCommons

Au printemps 1939, la presse nationale relaie à l'unisson la mort d’une figure d’importance : celle de Clémentine Delait, célèbre femme à barbe vosgienne de la Belle Époque – et parfait inverse du « phénomène de foire ».

Lorsqu’elle décède à l’âge de 74 ans, Clémentine Delait, dont le nom aurait simplement pu figurer à la rubrique nécrologie du journal local, fait l’objet d’articles quasiment hagiographiques, et voit sa photo affichée en Une de L’Humanité.

Ce qui a propulsé la tenancière d’un bar des Vosges en personnage public d'envergure nationale : « une longue et soyeuse barbe » comme le légende le quotidien communiste, tandis que sur la photo apparaît un saisissant contraste : on y voit une femme aux cheveux tirés et au vêtement féminin cintré à la taille, affublée d’un des plus forts symboles visibles de la masculinité, une barbe.

Dans l’article publié par Le Journal le 21 avril 1939 et retraçant le parcours de Clémentine Delait, apparaissent tous les éléments de sa singularité, qui poussent le titre à la désigner comme « la seule, la vraie » femme à barbe.

D’abord, son destin est loin d’être subi : loin des « monstres de foire » et du cirque Barnum de la même époque, femmes et hommes cyniquement exploités pour leur particularité physique, c’est elle qui assume son atypisme en répondant à un pari : « chiche ! » dit-elle avant d'arrêter de raser sa pilosité généreuse, donnant naissance à sa fameuse barbe soyeuse.

Ensuite, son opération correspond à une inversion des rôles étonnamment avant-gardiste : le mari « malade, faible, dolent » de Clémentine connaît soudainement une « existence choyée de coq en pâte » grâce à l’audace de son épouse. À l’époque où aucune nomenclature académique ne permet de faire le di...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.