« – J'ai eu cinq enfants, dit Mme Mirot, mais j'en ai perdu un de méningite et l'autre de broncho-pneumonie.
– Tuberculose et syphilis héréditaires, m'informe ma compagne.
– Sans compter deux fausses couches. Ça m'a rendue bien malade, j'avais tout le sang empoisonné. Mais je n'ai pas pu me soigner, je n'en avais pas les moyens. [...]
– J'ai commencé à avoir mal aux yeux pendant la grossesse de mon premier garçon. [...] Je maigrissais de plus en plus, mais je pensais que c'était naturel, parce que je nourrissais. Je n'avais du reste plus d'appétit, j'ai été prise par l'anémie et, finalement, ça m'est tombé sur les yeux. Maintenant, je suis tout à fait aveugle. Il paraît que ça va revenir, mais que ça sera très long.
De quoi vivrait-elle, cette malheureuse, sinon du fallacieux espoir qu'on lui a donné par charité. [...]
Pas une plainte, pas un reproche. Pour un peu elle dirait qu'elle a bien de la chance puisque “ça va mieux”.
– Mon mari est terrassier mais il ne travaille pas régulièrement. La moitié du temps, il n'a pas d'ouvrage. Moi, je reste toute la journée assise sur ma chaise, au coin du feu et je m'ennuie. Raoul met du charbon dans le fourneau.
Je regarde avec stupeur ledit Raoul, qui a quatre ans, l'âge où l'on craint les allumettes. Et c'est ce bambin haut comme trois pommes qui est chargé d'entretenir le feu de la maison. »