Écho de presse

1935 : la discrète réception de George Orwell en France

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Portrait de George Orwell publié dans « Combat », 13 juillet 1950 – Source : RetroNews-BnF

Les amateurs d’Orwell peuvent se frotter les mains : le livre de Duncan Roberts Orwell à Paris, dans la dèche avec le capitaine russe (éditions Exils) révèle les véritables noms de personnes et de lieux que son éditeur anglais avait censurés dans Down and Out in Paris and London (1933), publié en 1935 sous le titre La Vache enragée. Des débuts timides en France, malgré une critique qui entrevoit le potentiel du futur auteur de 1984.

En juin 1928, Eric Blair, futur George Orwell, s’installe à Paris où il restera près de 19 mois, jusqu’en décembre 1929. Un an auparavant, en juin 1927, il était rentré en Angleterre après cinq ans à servir dans la police impériale des Indes. Années traumatisantes, au terme desquelles il décide de quitter le camp de l’oppresseur colonial et de suivre sa vocation : devenir écrivain. Et c’est dans la capitale française qu’il s’imagine faire ses grands débuts : « Au printemps de 1928, je partis pour Paris, afin de pouvoir vivre à peu de frais le temps d’écrire deux romans, — qui j’ai le regret de le dire, ne furent jamais publiés, — et, par surcroît, d’apprendre le français », écrit-il dans la préface de son premier livre, La Vache enragée, publié chez Gallimard en 1935 deux ans après l’original, Down and Out in Paris and London édité par le socialiste Victor Gollancz. Le jeune Eric Blair avait suivi en 1918 le cours de français d’Aldous Huxley, professeur à Eton, et avait même un temps envisagé de traduire Zola vers l’anglais.

À son arrivée, il fréquente l’avenue de Corbera dans le XIIe arrondissement où vivent sa tante, Elaine Limouzin (« aunt Nellie ») et son compagnon, Eugène Lanti (Eugène Adam jusqu’en 1921), un couple d’espérantistes très impliqués dans les milieux internationalistes et ouvriers. L’espéranto n’est pas seulement leur langue de travail, c’est aussi la langue des leurs échanges au quotidien : Orwell n’y comprend goutte mais s’en souviendra pour le newspeak de 1984. Eugène Lanti avait publié de nombreux articles en espéranto, notamment sous le pseudonyme de Sennaciulo (« L’Homme sans nation » en espéranto). La Dépêche de l’Aube du 16 mars 1921 traduit de l’espéranto une sorte de manifeste de Lanti pour l’apatridie et la langue universelle : « Nous désirons, dès maintenant, créer un peuple ...

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