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1886, Maupassant imagine un infanticide : « Rosalie Prudent »

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Guy de Maupassant dessiné par Paul-Edmé Le Rat, estampe, 1884 - source : Gallica-BnF

Le 2 mars 1886, dans les colonnes du Gil Blas, paraît ce qui semble être un compte-rendu de procès. Signé Guy de Maupassant, il s’agit en réalité d’une nouvelle, qui, bien que relevant de la fiction, interroge tant sur la question de la misère que sur celle de l’avortement.

Dans une nouvelle qui figurera dans le recueil La Petite Roque, le célèbre romancier se pose comme témoin d’un procès à l’encontre d’une jeune bonne, Rosalie Prudent. Cette dernière devient mère infanticide à la suite de son accouchement d’une triste grossesse non désirée.

Bien que fictive, cette nouvelle s’inscrit dans une certaine réalité : celles des femmes seules et sans moyens qui ne peuvent subvenir aux besoins de leurs enfants. En donnant la part belle au témoignage de Rosalie et à l’expression de sa détresse, Maupassant permet au lecteur de ressentir de la pitié et de la compassion pour la jeune femme, et, par extension, le conduit à s’interroger sur ce qui signifie l’avortement. Cet aspect est renforcé par le fait qu’il ne soit nul part spécifié que cet article est en réalité une nouvelle.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’avortement est un sujet que la presse n’ignore pas. Il est tantôt utilisé pour diffuser des valeurs morales, tantôt traité comme un fait-divers. Gil Blas reste cependant un titre à la ligne éditoriale littéraire destiné à un lectorat largement mondain. C’est donc par le biais de la fiction que Maupassant, habitué des rédactions, se permet d’évoquer si frontalement un sujet si tabou.

Il y avait vraiment dans cette affaire un mystère que ni les jurés, ni le président, ni le procureur de la République lui-même ne parvenaient à comprendre.

La fille Prudent (Rosalie), bonne chez les époux Varambot, de Mantes, devenue grosse à l'insu de ses maîtres, avait accouché, pendant la nuit, dans sa mansarde, puis tué et enterré son enfant dans le jardin.

C'était là l'histoire courante de tous les infanticides accomplis par les servantes.

Mais un fait demeurait inexplicable. La perquisition faite dans la chambre de la fille Prudent avait amené la découverte d'un trousseau d'enfant complet, fait par Rosalie elle-...

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