Interview

Des grands boulevards aux terrasses de café : plongée dans le vieux Paris érotique

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Toutes les illustrations sont tirées des travaux de recherche iconographique de l'historien des médias Laurent Bihl - Droits réservés

Dans son dernier ouvrage en forme de déambulation à travers les lieux de plaisir de la capitale, l'historien Dominique Kalifa raconte comment le « grand siècle haussmannien » a façonné l’imaginaire érotique et amoureux de Paris.

La ville la plus sensuelle de la planète a un nom : Paris. Pour Dominique Kalifa, professeur d’histoire contemporaine à l'université Panthéon-Sorbonne, tout s'est joué en un siècle, des années 1860 aux années 1960. Dans son dernier ouvrage Paris, Une histoire érotique, d’Offenbach aux « sixties », il dresse une véritable « topographie du désir et de la sensualité à Paris » – et, ce faisant, raconte l'histoire de la conquête de l'espace public par les femmes.

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : Pourquoi l’imaginaire érotique et amoureux est-il aussi fort à Paris ? Qu’est-ce qui a façonné cet imaginaire ?

Dominique Kalifa : Quelque chose se passe à Paris autour de l'haussmannisation. Tout à coup, cette cité nouvelle qu’on veut embellie, spectaculaire, cette capitale de la gaieté, du spectacle, du plaisir, devient la ville offerte, ouverte…

Pourquoi Londres ou New York ne sont pas des villes où aller au restaurant ou au théâtre a pris la même importance ? Parce que le Paris qui se développe à partir de 1850 est celui de l’art du plaisir à la française, qui va entraîner avec lui la question de la sexualité.

La géographie amoureuse que vous dessinez dans votre livre est étroitement liée aux contraintes sociales de l’époque. Y’a-t-il des lieux qui rassemblent toutes les classes ?  

La vie quotidienne à cette époque reste une vie de quartier, même si l’on se déplace à travers la ville. C’est encore plus vrai suite aux bouleversements de l'haussmannisation : des logiques sociales très fortes se reconstruisent à ce moment-là entre le Paris ouvrier, concentré vers l’est et la périphérie, et le Paris de l’ouest, très bourgeois.

Néanmoins, comme c’est une grande ville où les loisirs se développent, il y a une certaine mixité sur tout l’arc qui va de la Madeleine à République : les boulevards, au moins le dimanche et les jours de fête, sont des lieux mélangés. Le boulevard lui-même est un espace spectaculaire, avec des camelots, des crieurs de journaux, des prostituées…

Le boulevard est alors le lieu de toutes les formes de flânerie – on a oublié que les gens se promenaient à pied bien plus qu’aujourd’hui !

Entre l’émergence du boulevard au milieu du XIXe siècle et son déclin dans les années ...

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