Interview

« Les luttes et les rêves », une histoire des dominés de 1685 à nos jours

le par

«  Famille de paysans dans un intérieur », tableau de Louis Le Nain, circa 1645 - source : Museoteca Louvre-Domaine Public

Dans son livre somme Les Luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, l'historienne Michelle Zancarini-Fournel raconte les multiples vécus d’hommes et de femmes qui ont résisté à l’ordre établi et aux pouvoirs dominants. Entretien.

Dans son dernier ouvrage, l'historienne Michelle Zancarini-Fournel livre « une histoire populaire des dominé.e.s, une histoire située des subalternes qui s’appuie autant que possible sur leur expérience [...] tout en étant attentive aux cadres sociaux, c’est-à-dire aux contraintes qui ont pesé sur elles et sur eux. » Un récit extrêmement documenté qui invite à revisiter des épisodes méconnus de l'histoire nationale et à y donner toute leur place à ces anonymes, contraints de résister pour exister.

Propos recueillis par Marina Bellot

Pourquoi avoir fait commencer votre récit en 1685 ?

Le choix de la date de départ a été compliqué, car beaucoup de révoltes paysannes ont évidemment eu lieu bien avant. Mais cette date correspondait vraiment à mon projet, dans la mesure où je voulais intégrer l'histoire des colonisés, des immigrés et des femmes dans mon récit, ce qui n’est pas fait habituellement dans les histoires généralistes.

J’ai cherché une date qui corresponde aussi à mes capacités historiennes je suis familière de la période moderne et contemporaine, je le suis beaucoup moins de la période médiévale.

1685 m’a donc paru une date légitime. D’abord, c’est la date de publication du premier code juridique sur l’esclavage, que l’on a appelé plus tard le Code noir, qui est un édit de police religieuse puisque le premier article concerne les juifs et non les esclaves. C’est un signe du sens profond de cet édit royal. Reprenant la conception héritée du droit romain, ce code considère l’esclave comme un bien meuble, tout en préconisant de le catéchiser et de le faire baptiser, ce qui est évidemment contradictoire.

1685 est aussi la date  de la signature de l’édit de Fontainebleau, c’est-à-dire de la révocation de l’édit de Nantes accordé par Henri IV, qui interdit aux protestants de pratiquer leur religion.

Et enfin, du point de vue social, un autre édit royal limite la possibilité de déplacement des mendiants et les fait enfermer dans l'hôpital général, puis au bout de deux ou trois enfermements les envoie aux galères.

1685 est une année terrible, du point de vue des effets de la domination et du pouvoir absolu de Louis XIV, un moment-clé à la mitan de son règne.

 

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