Interview

Une histoire de la politesse et du savoir-vivre en France

Clarisse ou la petite moraliste, petit précis de savoir-vivre destiné aux enfants, Imagerie d'Epinal, 1886 - source : Gallica-BnF

Dans son Histoire de la politesse, le juriste et historien des idées Frédéric Rouvillois montre notamment comment la Révolution aurait fait voler en éclat les règles de savoir-vivre de l'Ancien Régime, ouvrant la voie à une politesse codifiée et uniformisée mise en place, en réaction, par Napoléon Bonaparte.

C'est en 1789 que Frédéric Rouvillois fait débuter son Histoire de la politesse, point de départ de l’attaque violente des Révolutionnaires contre la politesse constitutive de l’Ancien Régime en tant que société fondamentalement inégalitaire. Certes, le tutoiement obligatoire sera de courte durée, mais la déconstruction révolutionnaire marque, selon l'auteur, une telle rupture avec l‘ancienne civilité française que c’est un nouveau système qui s’élaborera désormais.

C'est l'âge d'or de la politesse bourgeoise, qui postule l'état d'infériorité de la femme et impose des règles codifiées et rigides, jusqu'à ce que l'accélération permanente du monde impose de les simplifier, voire de les supprimer.

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : Vous faites démarrer votre Histoire de la politesse en 1789, début de l’attaque violente contre la vieille civilité de l’aristocratie. La période qui s'ouvre serait celle de l’« antipolitesse »… Que se passe-t-il alors sur le plan philosophique et politique ? 

Frédéric Rouvillois« Antipolitesse » est un terme intéressant car effectivement on n’assiste pas à un simple éloge du retour au « bon sauvage » ou à une grossièreté qui paraîtrait sympathique, mais à une volonté délibérée de déconstruire la politesse en tant qu'élément constitutif de l’Ancien Régime.

Dans la perspective de déconstruction véritable de l’Ancien régime et de la mise en place de l’homme nouveau, de l’homme « régénéré », il faut supprimer les règles de politesse considérées à la fois comme des archaïsmes dans une philosophie qui se réclame déjà de l’idée du Progrès, mais qui renvoient aussi à une société fondamentalement inégalitaire, hiérarchisée. Si l’objectif est d’avoir des hommes nouveaux qui sont fondamentalement des citoyens, autrement dit des égaux participant également à l’élaboration de la volonté générale, il faut, estiment les révolutionnaires, démonter tout ça.

Liberté, égalité, fraternité : chacun de ces trois termes peut se rattacher à cette déconstruction révolutionnaire. Liberté parce que les règles de politesse sont des contraintes illégitimes dès lors qu’elles n’ont pas été adoptées par la volonté du peuple. Égalité parce qu’elles cristallisent et prennen...

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