Interview

Douce Banlieue : une balade historique à travers la ville ouvrière

le par

Trois jeunes femmes posant au pied d'un immeuble de cité, Anonyme, 1961 - source : Archives municipales de Saint-Denis

Histoires de familles et d'exil, de bistrots et d'usines, de quartiers populaires et de jardins ouvriers : à travers des centaines de témoignages et de photos d'habitants de Saint-Denis, l'ouvrage Douce Banlieue donne à voir la ville ouvrière dans toute sa richesse.

Conservatrice du patrimoine, ancienne directrice des Archives de Saint-Denis, Frédérique Jacquet est spécialiste de l’histoire des périphéries urbaines et de la banlieue parisienne. Elle a mené durant trois ans un travail de collecte de photographies issues de fonds familiaux et de témoignages oraux, auquel ont participé plus de quatre cent habitants de la banlieue nord de Paris. Ce travail a donné lieu à une exposition intitulée Douce banlieue, puis à un livre éponyme.

Nous lui avons proposé une balade à travers l'histoire et les lieux racontés par cet ouvrage, qui donne à voir la ville ouvrière dans toutes ses dimensions humaines.

Propos recueillis par Marina Bellot

Cité

« Les villes ouvrières se ressemblent et pourtant elles reflètent toujours un parcours singulier. Elles ont eu chacune leurs héritages, leur histoire singulière, leur propre politique municipale, leurs maires successifs. En banlieue parisienne, des villes voisines telles que Saint-Denis, Saint-Ouen et Aubervilliers, bien qu‘elles appartiennent au même mouvement d’industrialisation, restent différentes. Le paysage de l’une ne se superpose pas au paysage de l’autre. Cela est dû, entre autres, aux politiques urbaines et aux politiques de logement social mises en œuvre.

À Saint-Denis, le logement social va devenir la priorité politique de l’après-guerre, sous l’impulsion du maire Auguste Gillot. André Lurçat, architecte urbaniste, va travailler sur cette ville de l’après-guerre jusqu'à sa mort en 1970. Il va concevoir le plan d’urbanisme et construire de manière réfléchie et inventive les premières cités de logement social, accompagnées des équipements nécessaires : écoles, crèches, complexe sportifs, centre de santé, etc. Cette construction volontaire de logement social ne s'arrêtera jamais : Saint-Denis est, en quelque sorte, la ville du logement social.

Durant les Trente Glorieuses, ces constructions vont constituer un bouleversement total des paysages et des pratiques sociales. Les premières cités sont à taille humaine, puis, sous la pression des contraintes budgétaires, elles deviennent de plus en plus importantes et monotypées. Cela dit, elles ont permis à des milliers de familles de sortir du logement insalubre et indigne. Et elles ont fait naître une nouvelle manière de vi...

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