Interview

« Propriété défendue » : une histoire du vol et de la société française

Une du Petit Journal illustré du 6 mars 1932 - source : RetroNews-BnF

« Gare aux voleurs » : depuis le lendemain de la révolution de 1830 et jusqu'aux années 1970, histoire d’un fait de délinquance avec l'historien Arnaud-Dominique Houte. Les réactions judiciaires ou médiatiques témoignent de la sensibilité d’une société face à ce qui apparaît comme un viol de l’intimité.

Faire l’histoire du vol, c’est faire l’histoire de la société. C'est ce que montre l'historien Arnaud-Dominique Houte dans son ouvrage Propriété défendue : la société française à l’épreuve du vol, dans lequel il explore deux siècles d’histoire de France et questionne notre rapport à la propriété pour éclairer les enjeux contemporains de la sécurité.

Propos recueillis par Marina Bellot

RetroNews : La Révolution française a consacré l’idéal d’une propriété inviolable. Comment expliquer que les révolutionnaires aient ainsi « absolutisé » le droit de propriété ? 

Arnaud-Dominique Houte : C’est une question qui a beaucoup été traitée dans l’historiographie de la Révolution et qui reste un sujet de débat car il n’y a pas de consensus sur le pourquoi de cette absolutisation, ni sur la question de savoir si les révolutionnaires en étaient réellement conscients. L’une des clés, selon moi, c’est de comprendre que, dans la volonté de fonder la liberté sur quelque chose, la propriété semblait un socle indispensable de la liberté. Le droit de vote, qui va faire partie des premiers projets révolutionnaires, va ainsi être conditionné par la propriété, avec l’idée que seul le propriétaire a la légitimité non seulement économique de voter, mais surtout une sorte de dignité civique qui lui permet d’exercer ses droits et devoirs de citoyen. 

Précisément, vous montrez que, peu à peu, la propriété est devenue l’un des fondements de la reconnaissance sociale, un signe de distinction et de fierté. Dans quelle mesure les classes populaires ont-elles pris part au développement de cette société propriétaire ? 

La bourgeoisie est bien une actrice majeure du développement de cette société de propriétaires et notamment dans ce contexte de révolution politique et juridique, mais aussi économique et industrielle qui se met en place. Mais elle n’aurait pas pu faire tenir ce nouvel ordre social, le faire accepter, s'il ne rencontrait pas une prédisposition. C'est un des éléments qu'explique très bien Proudhon : les ouvriers n’ont a priori aucun intérêt à défendre la propriété mais, dans la pratique, ils y sont profondément attachés. Proudh...

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