Interview

« L’espèce humaine est incroyablement coercitive envers les femmes »

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"L'histoire du feu", Une d'un numéro du Petit Inventeur consacré à la préhistoire, 1923 - source : Gallica-BnF

La coercition envers les femmes est-elle une fatalité ? Dans son ouvrage Et l'évolution créa la femme, le paléoanthropologue Pascal Picq explore les origines de la domination masculine, en remontant à la préhistoire et aux plus proches cousins de l'homme, les grands singes.

RetroNews : Quel est le point de départ de votre démarche ? S’agit-il avant tout de désinvisibiliser les femmes dans l’histoire de l’évolution ?

Pascal Picq : Quand vous regardez l'iconographie de la préhistoire, vous vous apercevez que seule l’évolution de l’homme est représentée. Il y a une vingtaine d’années, j’ai fait un livre pour la jeunesse en demandant à ce que la représentation de la grotte de Lascaux montre un homme et une femme peignant la paroi. Je me suis bagarré avec l’illustrateur et, finalement, l’illustration montre l’homme qui peint la paroi et la femme qui pile les pigments… De même, pour mon ouvrage Le Retour de Madame Néandertal, je voulais en couverture une femme de Néandertal dans des habits modernes  je n’ai pas réussi à l’obtenir.

Ce genre d’anecdotes est très révélateur de ce qu’on appelle l’idéologie intégrée. Quand les petits garçons et les petites filles n’ont que ce genre de représentations, à la fois dans les livres illustrés, dans les reconstitutions des documentaires et même dans les fictions, ils ont nécessairement l’impression que la domination masculine est dans l’ordre naturel des choses… Par ailleurs, il y avait un manque énorme et des biais immenses dans la manière de reconstituer la préhistoire d’un point de vue scientifique. J’ai été l'un des rares à commencer à parler de l’évolution du côté des femmes, notamment des femelles sapiens et du genre humain qui ont des particularités tout à fait claires en termes de sexualité, de reproduction et, bien sûr, d’action.

Vous vous êtes intéressé dans votre ouvrage à la place des femelles chez les primates, qui s’avère très différente d’une espèce à une autre…

D’une manière générale, chez tous les mammifères, une constante se dégage : quand il existe des groupes sociaux, ce sont les femelles qui restent ensemble toute leur vie sur leur territoire et les mâles qui migrent à l'adolescence. Les femmes sont endogames et les mâles exogames. Dans la lignée des hominidés, c’est-à-dire celle des grands singes africains, à laquelle nous appartenons, la situation est inverse : les soci...

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