Interview

Dans les années 1920, les danses afro-américaines remuent la France

le par

Homme et femme dansant le fox-trot, couverture du disque "Tà-tà fox-trot : piano seul par Alfredo Barbirolli", 1920 - source : Gallica-BnF

Durant l'entre-deux-guerres, une multitude de danses "venues des Amériques" font leur apparition en France, suscitant attrait et rejet. Un phénomène qui questionne le rapport de la France à la culture afro-américaine, comme l'explique l'historienne Sophie Jacotot.

Fox-trot, tango, samba, rumba, biguine... Au lendemain de la Première Guerre mondiale, une multitude de danses venues d'outre-Atlantique arrivent à Paris, où la « dansomanie » s'empare des Françaises et des Français avides de loisirs et de liberté. C'est une petite révolution : la syncope ouvre un nouvel univers rythmique, les joues et les bustes sont en contact, l'improvisation est encouragée...

Pourtant, dans une société française où la xénophobie est très présente et le rapport à l’autre, notamment afro-américain, pétri de clichés, ces nouvelles danses suscitent rejet et réprobation d'une partie de la population. Entretien avec l'historienne et danseuse Sophie Jacotot.

Propos recueillis par Marina Bellot

-

RetroNews : Quand le terme de dancing apparaît-il en France ? Quelles réactions suscite-t-il ?

Sophie Jacotot : J’en ai trouvé la première occurrence en 1919 au lendemain de la Première Guerre  mondiale. La danse reprend son activité, quelques mois après l’Armistice, et dans la presse apparaît ce terme, notamment dans des revues spécialisées en danse de bal, Dancing et Paris-Dancing, qui naissent au lendemain de la guerre.

Le phénomène d’introduction des nouvelles danses qui viennent des Amériques est associé à la naissance d’un nouveau type de lieu, comme si le mot « bal » ne suffisait plus pour désigner les établissements qui accueillent ces nouveaux genres musico-chorégraphiques. Il y a une volonté de trouver un terme pour parler de ce nouvel écrin qui accueille les nouvelles danses mais, quand on y regarde de plus près, le dancing n’est qu’un nouvel avatar du bal : sa principale caractéristique est d’accueillir les orchestres de danses nouvelles (orchestres de jazz, de tango, caribéens…).

Avec sa sonorité américaine, et donc étrangère, le terme « dancing » suscite la réprobation d’une partie de l’opinion. Dans le même temps, il apparaît comme un étendard pour une certaine jeunesse et pour l’élite sociale, ou plus largement pour une partie de la population qui a envie de...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.