Interview

Le bonheur, histoire d’une quête universelle

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"Tant que je pourrai former un désir, je n'en aurai jamais de plus cher que votre bonheur", estampe de Gustave Doré, 1855 - source : Gallica-BnF

Nos ancêtres étaient-ils heureux ? En quoi la recherche du bonheur a-t-il été la matrice de l'avancée des droits sociaux ? Dans un ouvrage collectif dirigé par l'historien François Durpaire, plus de soixante chercheurs retracent l'Histoire mondiale du bonheur

RetroNews : Comment expliquer que l’histoire se soit tardivement penchée sur une question essentielle, celle du bonheur ?

François Durpaire : Pour l'historien, faire l'histoire des émotions n’est pas chose aisée. On peut faire une histoire matérielle de la manière dont on mange ou dont on s’habille à travers les âges, mais sonder les cœurs est nettement plus difficile. C’est d’ailleurs pour cette raison que l'ouvrage est préfacé par Alain Corbin, l’un des pères de l’histoire des émotions. Comment sonder une émotion à travers les âges, sur quel type de sources peut-on s’appuyer ? Nous avons tenté de faire une histoire de l'humanité à travers la manière d'être heureux, et pas seulement sur l’idée de bonheur.

Précisément, quelles sources peut-on mobiliser pour savoir si les premiers hommes étaient heureux ?

Il faut s’appuyer sur certains indices. L’art pariétal nous permet d’avoir un aperçu de la vie des premiers hommes, qui consacraient peu de temps au travail. Nos ancêtres étaient des chasseurs-cueilleurs, les animaux et les végétaux ne manquaient pas, ils ne passaient donc que peu de temps à subvenir à leurs besoins. Les premières formes d’art émergent, des instruments de musique apparaissent… Ce faisceau d'indices nous permet de nous faire une idée de ce à quoi pouvait ressembler la vie de Cro Magnon ou de Néanderthal.

Jean-Paul Demoule, le paléontologue qui a écrit le chapitre consacré à la préhistoire, fait ainsi l'hypothèse que le chasseur-cueilleur est plutôt heureux. Le malheur, selon lui, arrive à partir de la révolution néolithique, au moment où apparaît l’agriculture, où l’on commence à protéger ses récoltes. Surviennent alors les guerres et les conquêtes de territoire, tandis que des hiérarchies sociales se mettent en place. C’est intéressant de voir que la science valide une sorte de mythologie, celle d’un âge d’or où les hommes et les femmes étaient plus heureux qu’aujourd’hui.

En matière de bonheur, qu'ont en commun les traditions orientales et occidentales ?

Dès les premiers chapitres de l’ouvrage, on voit les liens très forts entre la philosophie stoïcienne et la philosophie confucéenne ou indienne, par exemple. Les interrogations sont communes, notamment sur la gestion de la frustration, la manière de distinguer le plaisir, le bonheu...

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