Interview

Les différents Paris, « capitales » des XIXe siècles

le par

Vue de Montmartre : carrière et tour du télégraphe, 1826 - source : Gallica-BnF

Dans son dernier ouvrage consacré à Paris au XIXe siècle, l’historien Christophe Charle dépeint une capitale pétrie de contradictions, tiraillée entre patrimoine et modernité, ordre et insurrection, classes populaires et élites bourgeoises et aristocratiques.

Christophe Charle est professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Panthéon-Sorbonne, spécialiste d’histoire culturelle, sociale et comparée de l’Europe au XIXe siècle. Ses nombreux ouvrages, et tout particulièrement le dernier en date, Paris, « capitales » des XIXe siècles (Seuil, 2021), portent sur l’histoire des modernités à Paris et dans les capitales européennes.

Propos recueillis par Benoît Collas.

RetroNews : Tout d’abord, que signifie le double emploi du pluriel dans le titre de votre livre ?

Christophe Charle : Le fil directeur de ce livre, qui se traduit dans le pluriel à « capitales » et « XIXe siècles », est la thèse qu’il y a plusieurs villes dans la ville, et qu’au cours du XIXe siècle cette capitale, qui est certes déjà capitale depuis très longtemps, modifie ses fonctions intérieures comme extérieures.

D’une part, elle acquiert un rayonnement international incomparable en devenant la capitale de la révolution, mais aussi en soutenant l’unification de l’Italie et en se faisant lieu d’accueil de tous les persécutés des monarchies autoritaires européennes. D’autre part, la capitale supporte une croissance démographique extrêmement rapide et surdimensionnée par rapport à ses capacités d’absorption en attirant les migrants de toute la France. Cette situation génère un malaise social constant et le pouvoir se sent menacé.

Paris étant ainsi une ville rayonnant sur des espaces de plus en plus larges, des populations aux trajectoires extrêmement différentes y cohabitent, si bien qu’elles vivent dans des temporalités diverses : c’est ce que j’ai appelé la « discordance des temps ». Cette réalité sociale est souvent exprimée dans la littérature : par exemple dans L'Assommoir de Zola, les ouvriers en provenance de la petite banlieue, qui traversent tous les jours le mur des Fermiers généraux pour aller travailler, ont ce sentiment d’être à la fois dans Paris et en dehors de Paris, d’y participer et d’en être exclus.

Une autre forme de discordance des temps est la coexistence d’une part, de lieux symboliques témoignant du passé extrêmement riche de la ville, et d’autre part, du phénomène de la « modernité », c’est-à-dire l’idée qu’il faut s’adapter à une nouvelle époque, et qui se concrétise notamment dans la transformation de la ville par Haussmann. La rue de Rennes illustre bien cette discordance : cette longue artère menant à la gare Montparnasse s’est arrêtée à la très ancien...

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