Interview

Histoire de la fessée : légitimations des violences envers femmes et enfants

« Enfants martyrs », article paru dans Le Petit journal illustré, 1936 – source : RetroNews-BnF

Le 10 juillet 2019, la loi contre les Violences éducatives ordinaires (VEO) – souvent qualifiée de « loi anti-fessée » – condamnait le recours à la violence dans le cadre familial. Or ces pratiques ont longtemps été considérées comme justes et légitimes. Comment s’est opéré ce changement de perception ?

Dirigé par Isabelle Poutrin et Elisabeth Lusset, le Dictionnaire du fouet et de la fessée – Corriger et punir (PUF, 2022) explore l’histoire des violences punitives depuis l’Antiquité, qu’elles prennent place au sein de la sphère familiale ou, par extension, dans le cadre d’institutions – monastère, armée, école, propriété coloniale, atelier – qui s’inspirent du modèle domestique de la correction.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

RetroNews : On qualifie désormais de « violences domestiques » ce qui s’appelait autrefois le « droit de correction ». Que recouvre cette notion qui choque aujourd’hui ?

Elisabeth Lusset : Le droit de correction, c’est l’idée selon laquelle celui ou celle qui a autorité sur la famille a le droit, ou plutôt le devoir de remettre sur le droit chemin ceux qui sont placés sous sa responsabilité (femmes, enfants, domestiques, esclaves), y compris par la contrainte physique.

L’expression elle-même est assez tardive : elle apparaît sous la plume de juristes des XVIe-XVIIe siècles, notamment Baltasar Mogollón, en Espagne, qui réfléchit aux « vices du consentement » que constituent les mariages forcés ou encore l’entrée au monastère d’un enfant contre sa volonté. La notion de droit de correction sera vulgarisée un siècle plus tard par L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, qui le fait remonter à l’Antiquité romaine et au paterfamilias disposant du droit de vie et de mort sur sa famille.

Comment l’usage de la violence a-t-il été longtemps légitimé ?

La correction était justifiée par le mauvais comportement d’un individu et les risques qu’il faisait peser, non seulement sur lui-même et sa famille mais aussi sur l’ordre social. Les prédicateurs du Moyen-Âge aiment à raconter cette historiet...

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