Interview

S'habiller sous la dictature : la mode des totalitarismes

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"Peuples du monde, unissez-vous ! Renversez l'impérialiste américain !", propagande maoïste, 1969 - source : WikiCommons

Par-delà son air superficiel, le vêtement a joué un rôle important dans l'affirmation des régimes totalitaires, à la fois en tant qu'instrument de hiérarchie, d’assujettissement et d’exclusion. L'ouvrage Le vestiaire des totalitarismes invite à explorer cet autre langage du pouvoir.

RetroNews : L’ambition de votre ouvrage est d’essayer de comprendre comment le vêtement – et plus largement la mode – ont œuvré à l’expression des idéologies. Quel a été le point de départ de cette démarche ?

François Hourmant : À l’occasion de mes travaux sur la sinophilie hexagonale des années 1960-1970, j’ai travaillé sur la veste Mao en partant d'une interrogation : comment cette pièce du vestiaire chinois, symbole et vecteur de l’embrigadement et de l’assujettissement de la population pendant la Révolution culturelle, a-t-elle été annexée en Occident, à la fois par un couturier comme Pierre Cardin, qui en fait une pièce emblématique de son vestiaire, comme par les membres de la Jet-set qui se l’approprient. En d’autres termes, comment ce vêtement, liberticide en Chine est-il devenu le symbole de la distinction et du « smart parisian » selon le magazine Vogue en 1967 ? En discutant de cette curieuse trajectoire avec mon collègue Bernard Bruneteau, nous nous sommes aperçus qu’il y avait là un prisme pour analyser sous un jour différent la question balisée du totalitarisme.

On sait par de nombreux travaux d’historiens, notamment le livre pionnier de Daniel Roche La Culture des apparences, que le vêtement est politique. Nous avons voulu questionner cette dimension sociale et politique du vêtement et plus largement de la mode. De nombreuses interrogations ont alors structuré notre réflexion : comment le vêtement peut-il, par-delà sa dimension en apparence superficielle et anecdotique, être investi d’un certain nombre de préoccupations idéologiques qu’il traduit et impose ? Comment le vestiaire peut-il devenir, par la police des apparences et le jeu des censures, un vecteur d’uniformisation et d’embrigadement mais ...

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