Interview

Une histoire des enfants de la Belle Époque à aujourd’hui

Cinq enfants new-yorkais jouant d'un harmonica géant, Agence Rol, 1923 - source : Gallica-BnF

Sous la IIIe République commence à se développer une conception nouvelle de l’enfance, émanant dans un premiers temps des médecins, des psychologues, puis des hommes politiques. Dès lors, « l’enfant » devient enfin un individu à part entière.

Au gré de l’histoire du XXe siècle, et malgré les années noires que constituent les deux guerres, les enfants ont été de mieux en mieux soignés, éduqués et protégés, et ont acquis une place sans commune mesure avec ce qu’elle était un siècle plus tôt. 

Entretien avec Eric Alary, auteur d’Histoire des enfants – Des années 1890 à nos jours, paru aux éditions Passés / Composés.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier

RetroNews : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser aux enfants et à écrire leur histoire au XXe siècle ?

Eric Alary : Les enfants font partie des grands silencieux de l’histoire, comme les paysans ou les femmes l’ont longtemps été. En travaillant sur la vie quotidienne des Français pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, j’ai rencontré beaucoup d’enfants : sur les photos des exodes, sur les photos prises à l’école, ou celles qui évoquent la vie religieuse, où l’on voit tous ces enfants endimanchés les jours de première communion…

Il faut dire que sur les 40 millions d’habitants que compte la France en 1940, les enfants représentent plus de 10 millions. Or, si on les voit beaucoup, on les entend peu. Des travaux ont bien été réalisés sur des périodes précises – notamment ceux de Stéphane Audoin-Rouzeau pour la Première Guerre mondiale ou ceux de Gilles Ragache et de Dominique Missika sur la Seconde –, mais il manquait un ouvrage de synthèse sur l’ensemble du XXe siècle.

Pourquoi faire débuter votre histoire des enfants aux années 1890 ? 

La Belle Epoque, juste après la Grande Dépression des années 1880, correspond à une période d’accélération de l’histoire des enfants : jusque-là, beaucoup sont encore figés dans un temps ancien, notamment dans les endroits les plus reculés du monde rural. Le changement au tournant du siècle est évidemment dû en bonne partie à l’école de Jules Ferry, mise en place au début des années 1880 et qui fait naturellement évoluer le regard des parents : alors que l’école est désormais obligatoire jusqu’à 13 ans, peut-on continuer à considérer les enfants comme une « bouche à nourrir » et une paire de bras pour travailler, comme c’était le cas jusqu’alors ? 

La fin du XIXe siècle correspond également à un intérêt croissant de la part des médecins pour la petite enfance. On remet en cause les emmaillotements des nouvea...

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