Interview

Chaussure à son pied : pour une histoire des petites annonces matrimoniales

Une d'Hymen : revue mensuelle d'annonces, 1913 - source : Gallica-BnF

L’historienne Claire-Lise Gaillard revient avec nous sur l’art oublié de la petite annonce sentimentale, spécialité de la presse à grand tirage du XIXe siècle.

Bien avant la célèbre rubrique « Chéri(e)s » créée par Libération dans les années 1970, des particuliers et des agences matrimoniales ont passé, dans la presse française, des annonces pour trouver chaussure à leur pied ou assortir des couples.

Plongée avec l’historienne Claire-Lise Gaillard dans les « petites correspondances » et la presse matrimoniale.

Propos recueillis par Alice Tillier-Chevalier

RetroNews : De quand date l’émergence du marché de la rencontre ?

Claire-Lise Gaillard : Dès le XVIIIe siècle, certains journaux publient de manière sporadique des annonces matrimoniales, notamment La Feuille sans titre ou Le Journal de Paris, et les premiers titres spécialisés apparaissent à la Révolution française, en 1791, avec L’Indicateur des mariages et Le Courier de l’hymen–journal des dames.

C’est en 1813 en revanche que naît la première agence matrimoniale française, dans le contexte du développement des « agences d’affaires », réalisant divers services d’intermédiation, à caractère souvent financier : poussé par la nécessité de se démarquer, Claude Villiaume propose, dans son « agence générale et centrale », des placements sur le marché du travail et des offres matrimoniales, dont il publie les annonces dans les Affiches, annonces et avis divers. C’est là une nouveauté qui fait beaucoup parler et se moquer, y compris au théâtre, où Villiaume devient héros de vaudeville – une notoriété qui lui sert largement de publicité.

Que sait-on du fonctionnement d’une telle agence ?

La presse regorge d’articles de journalistes qui sont allés expérimenter les agences matrimoniales pour le bénéfice de leur lecteur, mais les archives d’agences sont rares. Nous avons néanmoins la chance d’avoir pour l’agence de Foy, qui a été créée en 1825, trois registres datant de 1842-1847, dont on doit la conservation à leur saisie judiciaire. A une époque où le « courtage matrimonial » n’a pas encore de reconnaissance légale, De Foy poursuit en justice des clients qui n’ont pas payé ses services, pour réclamer son dû et faire ainsi sanctionne...

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